Parce qu’en 2025, impossible d’échapper à la révolution silencieuse menée par nos applis de livraison et nos feeds Instagram : de Lyon à Berlin, du tapis du salon à la porte d’un street food coréen, la tech façonne désormais nos vies jusque dans nos assiettes… et nos valises. Deliveroo sanctionné par la justice française pour travail dissimulé, Uber Eats qui propulse l’IA dans nos menus et récompense nos photos de plats, Insta et TikTok devenus les “guides” officiels pour choisir un resto ou préparer des city trips à petit budget : la frontière entre digital et réel, conseils authentiques et recettes marketées, n’a jamais été aussi floue. Résultat : une génération ultra-connectée, qui cherche à jongler entre découverte, bons plans et responsabilités, mais se retrouve vite confrontée aux arnaques, au “FOMO” et à la standardisation (du burger veggie jusqu’à la plage “instagrammable” en Grèce). Dans cette frénésie numérique, comment garder du sens, préserver l’authenticité — sans exploser son budget, ni renoncer à ses valeurs ?
L’algorithme dicte nos envies culinaires et nos prochaines étapes de voyage — pour le pire comme pour le meilleur.
Difficile d’échapper à la vague numérique qui recompose notre rapport au food et au travel. D’un côté, les apps de livraison réinventent l’expérience client en mode ultra-connecté : Uber Eats, Deliveroo, mais aussi Too Good To Go, s’intègrent dans le quotidien d’une génération qui préfère swiper que décrocher son téléphone. De l’autre, Instagram et TikTok sont devenus, pour beaucoup, le vrai point de départ d’une escapade ou d’un resto.
63 % des Français envisagent de partir en vacances cet été (huit points de plus que l’an dernier), mais 69 % prévoient de resserrer leur budget et de faire des choix plus malins. Sur les réseaux, +410 % de contenus touristiques sur TikTok entre 2021 et 2025, et plus de deux millions de posts liés au tourisme sur Instagram par an. Le budget moyen des vacances grimpe à 2 035 euros, mais la moitié des Français dit vouloir voyager de manière plus responsable. Côté food, les plateformes dopent la personnalisation : Uber Eats déploie l’IA pour générer des descriptions de menus, améliorer ou créer visuellement des plats, et propose même de récompenser les clients partageant leurs propres photos. Précarisation des livreurs : Deliveroo, récemment condamné en France pour travail dissimulé, doit réintégrer un livreur licencié et lui verser plus de 93 000 euros de salaires impayés. Plusieurs coursiers toucheront jusqu’à 100 000 euros pour reconnaissance de leur statut salarié.
Deliveroo leur impose une tenue, une zone géographique, une procédure à respecter… ce qui prouve la subordination.
TikTok, c’est un peu mon Google. Je tape des mots-clés et je regarde les résultats : cela me permet de repérer des lieux, des itinéraires…
On veut voyager plusieurs fois dans l’année, mais on cherche les bons plans, on compare, on partage.
Le flux d’images léchées sur Instagram ou TikTok pousse à vivre “la même expérience” que les influenceurs, parfois au détriment de l’authenticité ou de l’éthique – et génère des phénomènes de surtourisme (Bali, Santorin, calanques de Marseille). Difficile de distinguer le vrai du fake avec l’IA et les contenus sponsorisés : près d’un post sur deux chez les plus gros influenceurs voyages est sponsorisé. La praticité du “tout digital” est plébiscitée, mais nombre d’internautes tâchent de repérer les petits créateurs, comparent les astuces slow travel, et veillent à ne pas se faire happer par l’algorithme. Précarisation des travailleurs côté food, impact environnemental côté travel, omniprésence de l’IA : la tech n’est plus neutre et pose de vraies questions de société.
La dernière décennie a vu une accélération fulgurante de la digitalisation de notre quotidien, qui dépasse largement le cadre de la simple commande de repas ou de la réservation d’un billet d’avion. Traditionnellement, le “choix du resto” rimait avec bouche-à-oreille ou lecture de guides. Côté vacances, on feuilletait des brochures ou on arpentait les forums de voyageurs. Depuis les années 2010, la donne a changé : applications de livraison, réseaux sociaux et intelligence artificielle redessinent à la fois nos habitudes alimentaires et nos démarches d’exploration.
Avec l’arrivée de Deliveroo, Uber Eats, puis Too Good To Go ou Frichti, la France a rejoint le mouvement mondial du “food to screen”, popularisé d’abord en Asie puis aux États-Unis. Selon la Fevad, le chiffre d’affaires de la food delivery a plus que doublé en Europe entre 2017 et 2023. L’innovation s’accélère : en 2025, Uber Eats propose de l’IA pour générer descriptions de plats, trier les avis clients, retoucher des photos, et même rémunérer les clients qui uploadent leurs propres clichés. Menus plus “alléchants”, plus accessibles, mais avec de vraies questions d’authenticité, et surtout d’impact social : Deliveroo, déjà condamnée pour travail dissimulé, incarne les ambivalences du modèle — précarisation des livreurs, flou sur le vrai statut d’indépendant, pressions à la rentabilité rapide.
Instagram et TikTok se sont imposés comme nos premiers réflexes quand il s’agit de choisir une adresse, une activité, une destination. En France, la croissance du contenu touristique sur TikTok a explosé de 410% entre 2021 et 2025, alors que ventes de guides papier chutent. Même chose pour la food : les “foodistas” et micro-influenceurs street food dictent les tendances, boostent la visibilité de petits restos ou de concepts engagés, mais participent aussi à la standardisation.
La “livraison 2.0”, avec l’IA et l’automatisation, s’exporte partout : en Asie, Meituan encadre déjà logistique et réputation via scoring digital très avancé ; en Espagne ou en Allemagne, la food delivery rime autant avec commodité qu’avec mobilisation sociale. Côté voyage, l’engouement pour les “bons plans” et les hacks low-cost est universel — de Broke and Abroad à Secret Flying, toute une génération guette la promotion du moment. Mais, viralité, “FOMO”, et parfois, reconfiguration de tout un territoire.
Les digital natives jonglent avec ces outils pour optimiser à la fois plaisir et budget : en 2025, le budget vacances des Français progresse (2 035 euros en moyenne), mais 69% annoncent vouloir le “serrer”, d’où la chasse aux bons plans et à la pertinence. Simultanément, la prise de conscience écologique et l’envie d’une expérience plus authentique font émerger un paradoxe : profiter de la tech pour dénicher l’adresse secrète ou l’escapade responsable… tout en évitant de céder au marketing ou à l’ultra-standardisation que ces mêmes outils génèrent.
L’hyper-digitalisation de la food et du travel crée autant d’opportunités que de dilemmes : booster la découverte culinaire, faciliter le voyage petit budget, mais aussi “industrialiser” l’itinéraire ou atomiser le lien social (précarisation, perte d’authenticité, envies contradictoires de “slow travel” et de partage massif). Comprendre ce contexte, c’est déjà poser les bases d’une utilisation plus consciente — pour continuer à se faire plaisir, sans s’y perdre.
Photos food en trompe-l’œil : Uber Eats utilise l’IA non seulement pour générer des descriptions de plats, mais aussi pour améliorer (voire transformer) les photos de menus — en changeant l’éclairage, la vaisselle, ou en “replating” visuellement le plat pour le rendre plus appétissant. Résultat : possible décalage entre l’image rêvée et ce qui arrive dans l’assiette. Uber Eats commence à verser des crédits-app à certains clients qui uploadent une vraie photo de leur commande. Le nouveau “Live Order Chat” d’Uber Eats permet un échange direct client-commerçant lors d’une commande (pour allergènes, rupture, demandes précises), ce qui peut éviter des couacs. Deliveroo, condamnée en 2024 pour “travail dissimulé”, a dû réintégrer des livreurs dans leurs droits et certains ont bénéficié de rappels de salaires à six chiffres.
Un contenu “food” ou “voyage” viral suffit parfois à saturer une adresse ou une destination. Attendre 30 minutes pour une photo dans un café à Bali, ou devant un point de vue des Calanques : la chasse à l’image “Insta-compatible” n’a jamais été si forte. D’après Greenpeace, près d’un post “voyage” sur deux des 20 influenceurs français les plus suivis est sponsorisé. Près de 63% des Français préparent aujourd’hui leurs vacances en partie via réseaux sociaux, bien avant les traditionnels Routard ou Michelin qui voient leurs ventes baisser.
Budget moyen des vacanciers français 2025 : 2 035 €, en hausse, mais 69% ont l’intention de rogner sur certaines dépenses (durée de séjour, hébergements). La soif de petits prix dope la création de comptes et plateformes “bons plans voyage”, mais attention aux arnaques : vigilance sur la date de création, les commentaires et les sollicitations suspectes.
Les voyageurs de la Gen Z testent l’IA générative (comme ChatGPT) pour les grandes lignes (itinéraires, synthèse des spots incontournables), mais attention : erreurs sur les liaisons existantes, horaires, ou recommandations datées. Double-vérification nécessaire.
La moitié des 18-30 ans français déclare vouloir voyager de façon plus responsable (ex. moins d’avion), et près d’un tiers a déjà tenté l’expérience train+auberge ou wwoofing pour limiter son empreinte.
L’intégration entre Instagram/TikTok et Google Maps façonne les parcours : sur une semaine, un jeune voyageur peut se fier à 60% à la “wishlist” issue d’Insta. Pour détecter les contenus sponsorisés, il faut surveiller le ton du post, la répétition de certains partenaires et croiser avec des avis non influencés.
La tech et les réseaux sociaux évoluent à toute vitesse – ce qui est tendance ou “éthique” aujourd’hui peut vite devenir obsolète ou controversé demain. Newsletters spécialisées, comptes Instagram engagés, avis croisés et veille numérique sont désormais les indispensables repères pour s’informer. L’arrivée de nouvelles réglementations sur le travail des livreurs et la transparence des partenariats influenceurs fera partie des chantiers chauds à suivre dans les prochains mois, tout comme l’impact réel des outils IA sur la confiance envers les plateformes de livraison et la découverte de restaurants et de voyages.