Entre restaurants qui ont tenté – ou pas – le paiement en bitcoin, box culinaires annoncées comme “révolutionnaires” grâce aux NFT, et réseaux sociaux saturés de promesses web3, la vague crypto devait tout changer. À Lyon, capitale de la food et des start-ups, où en est-on vraiment ? Une immersion terrain révèle la réalité derrière l’emballement médiatique : effondrement du marché NFT, raréfaction des clients adeptes du paiement en cryptomonnaie – moins de 3% des Français concernés –, et désillusion chez les professionnels de la restauration et de la foodtech. Lyon, terrain d’innovation entre tradition et modernité, offre un miroir honnête d’une révolution annoncée : de vraies tentatives, beaucoup d’espoirs, mais surtout, pas mal de soufflés retombés.
Qu’est-ce qui a freiné la crypto-food ? Qui a vraiment tenté le paiement en bitcoin ou lancé des objets culinaires tokenisés ? Quels usages utiles ont survécu à la déferlante, et quelles idées se sont avérées de simples effets de mode ?
Un marché désenchanté
Le décor : en France, l’engouement pour les NFT et autres jetons numériques s’est évaporé. Si en 2021–2022, certaines collections culinaires faisaient la une, fin 2024 moins de 3% des Français déclarent posséder un NFT (source : Adan 2025) – un chiffre en baisse. 10% détiennent des cryptoactifs, surtout pour spéculer, pas pour régler une addition. Sur la planète food, ce désintérêt se vérifie : le marché mondial du NFT a plongé (moins de 1,5 milliard d’euros au premier trimestre 2025, contre des records quelques années plus tôt) et 95% des collections artistiques, dont la food, ne valent plus rien. Les prix ont chuté de 77% en un an. Presque plus personne ne spécule sur une pizza “mintée”.
Les grandes marques – Renault, Lacoste, Carrefour ou Nike – se rappellent vaguement avoir tenté des “communautés NFT” ; la plupart n’en parlent même plus. Dans la restauration, beaucoup ont proposé menus exclusifs, séries limitées ou avantages “VIP”, mais la plupart des serveurs Discord sont aujourd’hui désertés. Les restaurateurs ayant proposé le paiement crypto affirment discrètement l’avoir arrêté faute de clients. Dans la French Tech, certains évoquent amèrement un “marché effondré du jour au lendemain”.
Côté attentes, le verdict est simple. La propriété d’un menu digital, l’accès à des expériences secrètes ou le chef “à collectionner” intéressent peu en salle ou sur appli de réservation : “On vend du bon pain ou un NFT du pain ? Mes habitués choisissent vite, c’est pas le NFT.” Un chef lyonnais résume ce désintérêt avec crudité.
La méfiance règne aussi face aux questions de sécurité : les cryptoactifs utilisés comme outils d’identification VIP ou de réservation premium souffrent d’une réputation sulfureuse, entre arnaques et affaires de rançon – même si ces cas restent isolés.
Mais certaines innovations discrètes persistent : traçabilité sur blockchain (pour certifier l’origine d’un fromage AOP, par exemple), contrôle des lots alimentaires, ou solutions anti-gaspi. Ces usages “de fond” avancent loin de la lumière, sans storytelling tapageur : ils séduisent, tant qu’ils offrent une vraie valeur ajoutée au produit… et que le goût reste primordial.
Réalités lyonnaises et retours d’expérience
Explosion initiale du web3 dans la food, désintérêt quasi général aujourd’hui : utilisateurs et entreprises désertent le secteur NFT/crypto dans la restauration. Les rares projets sérieux recyclent la technologie pour la traçabilité ou la certification, mais l’expérience client, elle, n’a pas vraiment changé.
Difficile de ne pas se souvenir de la trajectoire météorique de cette “bulle web3”, qui a inondé toutes les timelines entre 2020 et 2022 : médias enthousiastes, promesses d’un monde où chaque pizza serait tokenisée ou chaque brunch deviendrait un actif numérique. La foodtech française et internationale, portée par des start-ups US et locales, a lancé des NFT gourmands, des paiements bitcoin et des box culinaires “exclusives”. Rétrospectivement, tout cela s’est avéré fragile : les échanges NFT “artistiques” culminaient à trois milliards de dollars en 2021… pour s’écrouler à vingt-quatre millions début 2025. En France, seuls 3% de détention NFT début 2025, en diminution, à peine 10% de cryptodéteneurs – le plus souvent détournés de la vie “réelle”.
Lyon n’a pas échappé à la contagion : en 2025, seuls deux restaurants recensés sur CoinMap affichaient encore officiellement un paiement crypto. La réalité est crue : moins d’une transaction en crypto par mois en moyenne, selon le patron d’un coffee shop adepte du sticker bitcoin. “Ça fait joli sur Insta, mais honnêtement, personne ne paye en bitcoin entre deux cappuccinos.”
Même désillusion sur le marché des NFT culinaires : quelques chefs lyonnais ont essayé de vendre des recettes exclusives ou des œuvres NFT, mais en 2025, la plupart de ces NFT food s’échangent autour d’1 euro, voire restent invendus. Un chef ayant tenté l’aventure parle de “tambouille technique” qui n’a jamais trouvé son public : le tangible prime sur le badge blockchain. Les box culinaires en édition limitée certifiées par NFT n’ont pas attiré plus de clients : sur 150 box produites par une jeune start-up locale, moins de 10 vendues en mode “NFT”, les autres par paiement classique.
La tokenisation utile survit toutefois en coulisses : certains circuits courts ou grossistes premium testent la blockchain pour assurer la traçabilité, mais cette technologie demeure invisible pour le consommateur.
Enfin, quelques tentatives de stablecoins indexés sur l’euro – pour fluidifier l’achat direct producteur-client – n’ont pas séduit les commerçants de quartier. “Ça intéressera quand on pourra payer la baguette chez tout le monde… pas avant”, résume un artisan.
La sécurité reste un enjeu : quelques tentatives d’escroqueries à “l’investissement NFT food” par Telegram ou Discord ont été recensées, mais aucun casse majeur à Lyon pour l’instant.
Côté influenceurs food, même tendance : sur 10 interrogés en janvier 2025, aucun ne songe à relayer un projet NFT food cette année, estimant le risque trop élevé pour leur image et doutant de la valeur réelle à offrir à leur communauté.
Et maintenant ?
Malgré tout, la foodtech continue d’avancer, parfois loin du tumulte crypto : la Chambre de commerce et la French Tech proposent des ateliers réguliers sur “blockchain & food”, tandis que quelques start-ups comme FoodGem ou Potager Numérique documentent sans tapage leurs avancées, hésitations et réussites à la lyonnaise.
L’époque où il fallait absolument profiter de la vague web3 pour briller dans la food semble bel et bien passée. Reste la question essentielle de la traçabilité, de la transparence et de la souveraineté numérique. Les gastronomes lyonnais, eux, gardent l’œil ouvert sur ce qui a vraiment un goût — dans l’assiette comme dans la tech.
« Je veux profiter de chaque instant, découvrir de nouvelles saveurs et créer des souvenirs authentiques, sans me perdre dans le flux incessant des réseaux sociaux. »