Aux États-Unis, la question du bien-être se pose avec une acuité nouvelle à l’heure où le pays traverse une profonde recomposition sociale, politique et écologique. Depuis le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, le climat social s’est tendu : hausse des discriminations envers les personnes LGBT+, désengagement du gouvernement sur les questions environnementales, sentiment d’insécurité parmi les minorités, recul tangible du communautaire et multiplication des actes d’exclusion. Alors que la saison touristique estivale 2025 s’annonce morose – avec une baisse de 20 % des réservations de Français, selon les professionnels – beaucoup s’interrogent : y a-t-il encore une place pour le bien-être, individuel ou collectif, dans une Amérique de plus en plus polarisée ?
Entre luttes quotidiennes, stratégies de résistance et émergence de nouvelles initiatives locales, familles, communautés engagées et minorités cherchent à préserver des lieux de sérénité et à recréer du lien dans un environnement marqué par la défiance et l’incertitude. À travers plusieurs États, dont la Géorgie et les grandes métropoles, des personnes témoignent de leur détermination à réinventer la quête du bien-être, malgré les obstacles politiques, sociaux et écologiques qui s’accumulent depuis le début du second mandat Trump.
Un pays fragilisé, un climat anxiogène
Alors que les États-Unis continuent de traverser une période de forte polarisation politique, plusieurs indicateurs révèlent un pays fragilisé sur de nombreux fronts. La chute de l’attractivité touristique est un symptôme frappant : selon les chiffres du 3 juin, le manque à gagner pour le gouvernement américain s’élève déjà à 12,5 milliards de dollars, essentiellement du fait de la baisse de fréquentation internationale. Les agences de voyage françaises observent une chute de 20 % des réservations, certains touristes préférant désormais le Canada ou d’autres destinations jugées plus accueillantes. « On comptait partir trois semaines en famille, bah on ira en vacances au Canada », témoigne une famille française, tandis qu’une autre confie : « On a annulé la Louisiane ! Pas question d’y aller tant qu’il est là [Donald Trump]. »
Le climat social se durcit, en particulier pour les minorités. Chaque mois de juin, la communauté LGBT+ fait face à une hostilité croissante : plus d’1,5 million de personnes transgenres voient leurs droits remis en cause par des décrets présidentiels restreignant notamment l’accès à l’armée, au sport et à l’état civil. Alexis, 32 ans, résume l’ambiance : « Avant Trump, trouver un emploi était vraiment facile, mais maintenant, je dois soumettre dix candidatures pour avoir du travail. Je vis dans une petite ville et ça me fait peur de sortir seule. » Pour elle, peur, repli et isolement deviennent la norme, avec des conséquences directes sur la santé mentale et la sérénité personnelle ou familiale.
Sur le front environnemental, le « désengagement américain » est de plus en plus visible. La troisième conférence des Nations unies sur les océans, tenue à Nice, s’est ouverte sans la participation des États-Unis. Jean Pisani-Ferry, économiste, souligne : « Sur la question du climat, les États-Unis sont un acteur marginal. Le désengagement américain des grands sujets multilatéraux ne nous condamne pas à l’impuissance, mais il oblige d’autres pays à agir sans eux. » Ce retrait ralentit l’innovation écologique et laisse planer le doute sur la capacité du pays à répondre aux enjeux de santé publique liés à la pollution, à la biodiversité ou à la résilience des communautés face aux crises climatiques.
Les conséquences de cette conjoncture anxiogène se répercutent aussi sur le sentiment de bien-être des résidents. Fragilité économique, guerre commerciale et incertitude monétaire influencent la confiance des ménages et renforcent le stress quotidien. « On sent qu’il y a plus de danger. Je connais des personnes qui ont subi des violences physiques », souligne Alexis. Anaiah, 42 ans, confie : « J’ai le sentiment d’un retour en arrière. » Sur le plan macro-économique, l’économie américaine commence à marquer le pas, tandis qu’en Europe, les perspectives s’améliorent, notamment grâce à la relance budgétaire allemande.
Sous l’effet du recul des droits fondamentaux, de l’isolement sur la scène internationale et de l’instabilité économique et sociale, le bien-être – individuel, familial ou collectif – semble aujourd’hui relégué au second plan. La question demeure : les initiatives locales et les mouvements de solidarité portés par la société civile sauront-ils renverser cette tendance ?
Vers une crise de sens : l’évolution du bien-être américain
Longtemps perçus comme la terre du « rêve américain », les États-Unis restent dans l’imaginaire collectif un espace de libertés, de diversité et de réussite individuelle. Ce mythe s’est fissuré au fil des décennies face à la montée de défis sociaux et environnementaux, notamment à l’ère Trump.
Historiquement, l’économie dynamique, la créativité culturelle et un fort attachement aux libertés individuelles ont permis l’émergence de contre-cultures axées sur la quête de sens et le bien-être. Cependant, ces modèles résilients restent fragilisés par des inégalités structurelles. Selon l’OCDE (2023), le pays affiche l’un des indices d’inégalités les plus élevés parmi les pays industrialisés, avec des écarts majeurs selon l’origine ethnique, le genre ou l’orientation sexuelle. Les indicateurs de santé mentale – anxiété, dépression, usage de psychotropes – progressent, particulièrement chez les jeunes et les minorités.
- Espérance de vie : En baisse pour la première fois depuis 50 ans, sous l’effet cumulé des overdoses, du Covid-19 et des carences de l’accompagnement social.
- Bien-être subjectif : Les enquêtes Gallup (2024) placent les États-Unis au 23e rang mondial.
- Sécurité et confiance en l’avenir : Près de la moitié des Américains déclarent se sentir « moins en sécurité » qu’il y a dix ans (Pew Research Center, 2023).
- Tourisme : Depuis 2016, la fréquentation des visiteurs internationaux (notamment français) a chuté de près de 20 % (US Travel Association).
La polarisation politique et sociale, les controverses sur les droits fondamentaux et les tensions raciales alimentent l’inquiétude croissante sur le climat général du pays.
L’écologie, révélateur des fractures et élan communautaire
Sur la scène internationale, le « désengagement américain » des enjeux écologiques – dont la récente absence à la Conférence des Nations Unies sur les océans – isole davantage le pays. Contrastant avec une Union européenne engagée en coalition, ce retrait accentue la marginalisation du modèle américain sur les questions écologiques.
Localement, la pollution dramatique dans certaines métropoles, le recul des programmes de santé et d’éducation à l’environnement, la multiplication des catastrophes naturelles mal anticipées (incendies, canicules…) affectent directement le quotidien, surtout des populations les plus défavorisées. À titre d’exemple, la surface des forêts anciennes décline, nuisant à la biodiversité et à la disponibilité d’espaces de ressourcement, notamment en milieu urbain.
Résilience communautaire et nouvelles solidarités
Malgré un vaste tissu associatif et des mouvements citoyens puissants, ce sont souvent des micro-initiatives qui tentent de pallier l’absence d’un filet social robuste. Groupes de soutien LGBT+, jardins partagés, fermes urbaines à Détroit ou Philadelphie, créations de « safe spaces » pour les familles : autant de réponses locales à une société fracturée.
Des parents s’organisent en réseaux de soutien, des écoles alternatives émergent et des espaces inclusifs s’ouvrent pour accueillir tous les enfants, en particulier ceux issus de minorités ou neuroatypiques. À Austin, Portland ou New York, des quartiers entiers expérimentent des ateliers communautaires, l’agriculture urbaine ou les cercles de parole pour recréer du lien, de la sécurité, de l’entraide et un nouveau souffle de bien-être.
Chiffres et initiatives marquantes
- Tourisme : 12,5 milliards de dollars de perte depuis l’élection de Trump, -20 % sur les réservations françaises à l’été 2025.
- Droits des personnes trans : 1,5 million de personnes visées par des restrictions fédérales.
- Écologie : Les États-Unis de plus en plus absents des grandes négociations internationales.
- Bien-être national : Les États-Unis passent sous la 20ᵉ place mondiale (World Happiness Report 2024).
- Initiatives locales : Multiplication des jardins communautaires, des fermes urbaines et des espaces “parent-friendly” dans les grandes villes.
Une Amérique souterraine à la recherche de sens
Derrière le climat de défiance et de polarisation, une « Amérique souterraine » invente des voies de bien-être participatif, d’entraide et de résilience, en famille et au-delà. Statistiques et témoignages de terrain illustrent l’ampleur du défi, mais également la force et la créativité des micro-initiatives solidaires.
Si la situation actuelle questionne la place du bien-être dans la société, des réseaux de solidarité, des mouvements pour l’agriculture régénérative et des espaces inclusifs témoignent d’une volonté de résistance et d’une quête renouvelée de sens. Pour les familles et voyageurs, privilégier les régions connues pour leur ouverture, s’informer sur les réalités locales, rejoindre les groupes d’entraide devient essentiel.
Les États-Unis se trouvent à la croisée des chemins. Malgré les défis, chaque crise offre l’occasion de s’interroger collectivement sur des modèles de bien-être plus sobres, solidaires et inclusifs. À nourrir au fil des évolutions, des témoignages et des initiatives inspirantes, pour entretenir le courage d’inventer, ensemble, des lendemains plus apaisés.
