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Truth Social : Anatomie d’un réseau social à visée politique

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Un réseau né de l’exclusion

En janvier 2021, Donald Trump est banni de Twitter, Facebook et YouTube à la suite de l’attaque du Capitole. Écarté des grandes plateformes, l’ancien président des États-Unis se lance dans une stratégie de reconquête numérique. Son objectif : créer son propre canal de diffusion, sans filtre, sans contradiction, et sans modération “woke”.

Après une première tentative avortée avec un simple blog, From the Desk of Donald J. Trump, il annonce en octobre 2021 la création d’un nouveau réseau social : Truth Social. Il est porté par une structure dédiée, la Trump Media & Technology Group (TMTG), avec l’ambition affichée de bâtir un écosystème numérique conservateur alternatif.

Un lancement sous tension

Truth Social est lancé officiellement le 21 février 2022. L’application iOS grimpe immédiatement en tête de l’App Store américain, portée par un buzz politique et militant. Mais l’engouement initial est freiné par des problèmes techniques : files d’attente interminables, bugs, difficultés à s’inscrire. Le back-end repose sur Mastodon, un moteur open source de type “fédération”, réadapté sous une interface maison.

À peine lancée, l’appli se retrouve sous surveillance : dérapages racistes, profils anonymes douteux, et surtout, un discours politique très marqué à droite. Très vite, Truth Social devient un haut-parleur idéologique plus qu’un réseau social généraliste.

Une plateforme pensée comme une arme politique

L’ADN de Truth Social est limpide : ce n’est pas un simple concurrent de Twitter ou Facebook, c’est une extension de la campagne de Donald Trump. Son objectif n’est pas l’engagement de masse ou la monétisation publicitaire, mais le contrôle du récit.

Sur Truth, les algorithmes ne poussent pas les tendances progressistes, les modérateurs ne censurent pas les messages de Trump, et la base militante peut s’y exprimer sans retenue.

Donald Trump y est extrêmement actif. Depuis avril 2022, il y a posté plus de 2 200 messages, avec une fréquence dépassant de loin celle de ses tweets à l’époque de son mandat. Il y commente l’actualité, attaque ses adversaires, publie ses slogans de campagne, et diffuse des liens vers ses vidéos ou ses partenaires médiatiques.

Une audience modeste mais ciblée

En termes de chiffres, Truth Social reste un acteur marginal. En 2024, la plateforme compte environ 6 millions de visites mensuelles, très loin des mastodontes du secteur. Le trafic est majoritairement américain, concentré sur les États les plus conservateurs.

L’audience est peu diversifiée, peu active hors période électorale, mais très engagée idéologiquement. Elle agit comme caisse de résonance pour les messages de Trump, qui sont ensuite repris sur des plateformes plus visibles comme X (ex-Twitter) ou YouTube via des extraits diffusés par ses soutiens.

Une stratégie médiatique intégrée

Truth Social ne fonctionne pas en silo. Il s’inscrit dans une stratégie plus large, pilotée par la Trump Media & Technology Group : création d’un service de streaming (Truth+), partenariat avec Newsmax, et projets de chaînes thématiques.

En mars 2024, cette ambition prend une tournure financière : TMTG entre en bourse via une fusion avec le SPAC Digital World Acquisition Corp (DWAC). La société est introduite sous le ticker DJT, avec une valorisation initiale oscillant entre 4 et 5 milliards de dollars. Mais les performances économiques sont décevantes : moins de 1 million de dollars de revenus pour des pertes cumulées de plus de 300 millions. L’action devient un “meme stock”, soumise à des pics spéculatifs et à une forte volatilité.

Un discours de liberté d’expression à géométrie variable

Truth Social se présente comme un bastion de la liberté d’expression. Mais dans les faits, la modération est tout sauf neutre. Si les messages anti-vaccins, complotistes ou ouvertement agressifs sont tolérés, les critiques internes sont souvent shadow-ban ou suspendues. Plusieurs journalistes ou utilisateurs de gauche témoignent de suppressions de comptes sans justification claire.

Par ailleurs, la plateforme interdit formellement les contenus jugés “sexuellement explicites”, ce qui peut inclure des représentations artistiques ou éducatives. La modération est sous-traitée à une entreprise tierce (Hive), mais les critères de sélection restent opaques.

Un outil d’influence plus qu’un produit tech

Truth Social est souvent moqué pour ses chiffres faibles et ses bugs fréquents. Mais ce serait une erreur stratégique de le sous-estimer. Son influence ne se mesure pas en DAU, mais en portée politique. En tant qu’outil de narration, il permet à Trump de tester ses slogans, de fédérer sa base, et de s’affranchir des contre-pouvoirs journalistiques.

Il devient ainsi une extension directe de sa campagne, un média de masse verticalisé au service d’un seul homme. C’est un cas d’école de média politisé, pensé non pas pour fédérer, mais pour galvaniser. Il ne cherche pas à plaire à tout le monde, mais à rallier et verrouiller une niche stratégique.

Une viabilité incertaine, un signal fort

Truth Social ne gagnera sans doute jamais la guerre du social media en termes de parts de marché. Son avenir financier est fragile, sa technologie datée, son modèle économique inexistant. Mais son rôle symbolique est puissant.

Il incarne une mutation profonde de l’Internet politique américain : la fragmentation des espaces de débat, la polarisation des récits, et l’émergence de plateformes verticales à logique partisane.

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