Face à une reconfiguration inédite du paysage énergétique et à l’essor fulgurant de l’intelligence artificielle et de la robotique bio-inspirée, l’industrie et la société explorent de nouveaux horizons. Entre Paris, Tianjin et les laboratoires du monde entier, la rencontre entre biologie, numérique et énergie dessine aujourd’hui un avenir en mutation, où l’éthique, la technologie et l’écologie s’entremêlent.
Mi-2025, la France opère un tournant décisif sur la question de son mix énergétique. Suite à l’adoption d’une loi relançant le nucléaire – prévoyant notamment quatorze nouveaux EPR2 –, le sort du solaire et de l’éolien demeure incertain. Une situation qui contraste avec la dynamique mondiale, marquée en 2024 par l’installation de 93 % de capacités électriques renouvelables, principalement grâce au solaire, un secteur dominé par la Chine.
Dans ce contexte, les laboratoires chinois prennent de l’avance, à l’image des équipes de l’université de Tianjin, où sont présentés les premiers robots équipés de cerveaux organoïdes. Ces structures, constituées de cellules neuronales vivantes, offrent une efficacité énergétique inédite et imitent la réactivité du cerveau humain. Pendant ce temps, Paris accueille la 9e édition de VivaTech, où l’IA générative, la robotique bio-inspirée et les innovations environnementales occupent le devant de la scène. Si l’intelligence artificielle est désormais omniprésente dans la médecine, la recherche et l’industrie, ses limites restent notables : l’incapacité à comprendre le mouvement ou à interpréter la complexité de l’humain, pointent les chercheurs américains de Johns Hopkins.
Face à ces avancées et paradoxes, plusieurs questions émergent : comment concilier l’exigence écologique, l’automatisation intelligente et le respect du vivant ? Quels sont les impacts de ces choix technologiques sur la société, l’économie et l’éthique collective ? Les décisions actuelles en matière de politique énergétique, de développement technologique et de formation détermineront la capacité collective à traverser l’une des révolutions industrielles les plus complexes de l’histoire.
Dans un contexte global dominé par l’urgence climatique et la révolution technologique, la France se distingue par une stratégie où le nucléaire reprend la main, écartant, pour l’instant, le solaire et l’éolien de sa Programmation pluriannuelle de l’énergie. Une orientation dénoncée par le Syndicat des énergies renouvelables, alors même que la Chine s’impose avec près de 63 % des nouvelles installations mondiales de renouvelables en 2024, notamment 216 GW de solaire ajoutés en une année. La France, malgré un record local (5 GW), peine à s’inscrire dans ce rythme mondial effréné.
Du côté de l’intelligence artificielle, l’enthousiasme industriel est palpable : 85 % des entreprises présentes à VivaTech 2024 projettent d’augmenter leurs investissements dans l’IA. Dans la pratique, robots humanoïdes, médecine personnalisée et analyse environnementale dessinent une transformation rapide du quotidien. Mais les outils restent imparfaits : les IA échouent encore à interpréter la dynamique sociale ou à anticiper l’imprévisible, freinant les ambitions de mobilité autonome ou d’aide intelligente.
C’est là que la bio-inspiration ouvre de nouveaux horizons. En Chine, des robots dotés de cerveaux organoïdes – « cerveaux sur puce » – traitent des signaux biologiques avec une consommation énergétique quasi insignifiante, jusqu’à cent fois plus efficiente que les architectures de deep learning classiques. Une avancée majeure, encore expérimentale, qui invite à réfléchir aux frontières éthiques de l’intégration du vivant dans la machine.
L’histoire récente montre que chacune de ces révolutions – énergétique, numérique, biologique – n’avance jamais en ligne droite : chaque rupture s’accompagne d’incertitudes, de débats intenses, mais aussi de potentiels radicalement nouveaux. La question de la convergence entre automatisation intelligente, transition écologique et préservation du vivant émerge alors au cœur des choix de société.
À l’échelle mondiale, la transition énergétique s’accélère sous la pression du climat et de l’épuisement des ressources : la majorité des nouvelles capacités électriques installées en 2024 sont renouvelables, avec la Chine comme moteur. L’Union européenne et les États-Unis avancent plus lentement, l’Afrique subsaharienne restant en marge. En France, le débat oppose le retour du nucléaire à une trajectoire plus en phase avec les standards mondiaux du renouvelable.
L’automatisation, amorcée depuis les premières révolutions industrielles, entre aujourd’hui dans une nouvelle ère : celle où l’IA et la biorobotique s’apprêtent à redéfinir la frontière entre l’homme et la machine, tandis que la consommation énergétique du numérique se rapproche de celle des secteurs lourds comme l’aviation. Les modèles dits « tout-électrique », poussés par le cloud, la mobilité intelligente et la robotique, posent des questions inédites sur la circularité des usages, la sobriété énergétique, l’éthique et la place du vivant.
Quelques chiffres clés illustrent cette mutation :
- Le cerveau humain consomme autour de 20 W, contre plusieurs kWh pour l’entraînement d’une IA avancée ; les premiers prototypes de robots à intelligence organoïde promettent un rapport de consommation jusqu’à cent fois inférieur.
- Les data centers, moteurs de l’industrie de l’IA, absorbent plus de 2 % de la demande énergétique mondiale, à une cadence de croissance de 12 % par an.
- Les énergies renouvelables représentent plus de 166 000 emplois en France, alors que les récents amendements parlementaires menacent les filières solaire et éolienne.
- Les IA échouent à interpréter les scènes en mouvement, avec un taux de réussite inférieur à 45 % dans des tests vidéo, quand l’humain dépasse 80 %.
Ces bouleversements techniques et économiques s’accompagnent de débats éthiques majeurs : comment encadrer l’intégration de tissus vivants dans les robots ? Quelles régulations pour la collecte massive de données ? Comment garantir la sécurité et éviter la discrimination algorithmique ? Ces questions sont désormais au centre des grands rendez-vous industriels et scientifiques, où la société civile est appelée à participer à la réflexion.
La décennie 2020-2030 s’annonce comme celle de la grande convergence entre sciences du vivant, numérique et énergie. Cette convergence promet autant d’opportunités radicales que de nouveaux risques systémiques, et nécessite de réinventer ensemble les modèles énergétiques, sociaux et technologiques du futur. Entre plateformes open source, expérimentations de smart grids et nouvelles interfaces cerveau-machine, la société se façonne à l’aune de ces trois révolutions, tandis que la démocratie technologique et énergétique s’invente au fil des débats publics, des hackathons et des initiatives citoyennes.
Ressources utiles :
- IRENA – Rapport mondial sur les énergies renouvelables 2025
- Franceinfo : Innovation, IA, transition énergétique – dossiers thématiques
- VivaTech – Le rendez-vous de l’innovation
- Plateformes spécialisées, MOOCs, conférences scientifiques et professionnelles pour un suivi continu.
À suivre : la montée en puissance des robots hybrides basse consommation et les retours d’expérience de projets smart grid européens et asiatiques.