Crise de confiance, déferlante d’infos anxiogènes et influenceurs omniprésents : en 2024, la tech et les réseaux sociaux captent, diffusent ou déforment chaque info sensible, de la santé à la politique. Qui oriente vraiment l’opinion des Français aujourd’hui, et comment s’y retrouver à l’ère du storytelling viral et des fake news ?
Des millions de Français, connectés du petit-déjeuner aux stories du soir, picorent leur information entre deux scrolls Instagram ou TikTok. Les politiques, comme François Bayrou sur YouTube, tentent de s’adapter aux nouvelles plateformes, pendant que des influenceurs lifestyle relaient ou transforment l’actualité. Les médias historiques migrent vers des formats numériques et TNT nouvelle génération, tandis que collectifs citoyens et groupes WhatsApp voient circuler alertes vérifiées ou fake news avec la même rapidité.
L’actualité touche directement à la santé, à l’économie et aux droits des citoyens : rappels alimentaires viraux, faux arrêts-maladie vendus en ligne, annonces de réformes partagées plus souvent sur X ou TikTok que par la télévision. Dans cette avalanche permanente, la frontière entre vérité, buzz, opinion et intox s’efface progressivement, ébranlant la confiance du public.
En 2024, année de crises – dette française, coupes budgétaires, mouvement social “Bloquons tout”, défiance envers institutions et médias, alors que les jeunes adultes privilégient les réseaux pour s’informer. Ce nouvel écosystème de l’information investit tous les espaces du quotidien : cuisine, salle d’attente, tram, groupes Facebook d’immeuble, bubble Instagram du samedi matin, ou WhatsApp familial diffusant à toute vitesse le dernier rappel de lot de fromages contaminés.
Par la viralité, chaque nouveauté se propage plus rapidement sur TikTok ou Instagram – via un Reel choc, un thread ou une story croisée – qu’au journal télévisé. Les politiques s’essaient au numérique mais peinent à convaincre, quand certains influenceurs deviennent les nouveaux relais médiatiques, aussi bien pour l’info utile que pour la désinformation anxiogène.
La technologie et les réseaux ont bouleversé notre rapport à l’actualité : il ne s’agit plus seulement de recevoir l’information, mais d’y réagir, de l’amplifier, de la remettre en question. Naviguer dans ce flux suppose de trier, vérifier, déconnecter, sans guide officiel, mais parfois avec l’aide d’influenceurs préférés ou d’applications de fact-checking.
Depuis la crise Covid, l’information a littéralement débordé partout, tout le temps : notifications push, stories, alertes santé et économie partagées par des comptes lifestyle. En 2024, 53 % des 18-34 ans s’informent majoritairement via les réseaux sociaux, devant la télévision ou la presse traditionnelle (Ipsos Média 2024).
Cette accélération va de pair avec une défiance croissante. Selon La Croix, seuls 38 % des Français jugent la télévision crédible, contre 64 % dans les années 2000. Sur Instagram, YouTube, TikTok, on navigue entre influenceurs bien-être, récupération politique et threads anxiogènes.
« On ne sait plus qui croire : une Instastory sur un produit rappelé va 10 fois plus vite que l’alerte officielle… mais personne ne vérifie la source ! »
L’exemple Bayrou est révélateur : à peine 40 000 vues pour le premier épisode de “FB Direct” sur YouTube, loin des millions engrangés en 24 heures par des créateurs comme Squeezie. Les politiques restent figés dans des formats descendants, peu interactifs, et peinent à adapter leur discours à la grammaire du web. Le partage personnel ou l’écoute y prennent le pas sur le message officiel.
La viralité des fake news sur les sujets sensibles du quotidien accentue le brouillage : faux arrêts-maladie vendus en DM, fausses alertes santé dans des groupes WhatsApp, infos gonflées sur des hausses tarifaires. L’Assurance-maladie chiffre à 30 millions d’euros le préjudice causé uniquement par les arrêts bidons partagés sur les réseaux en 2024. Les arnaques se propagent comme des codes promo, mais les conséquences pèsent sur tout le système.
Les campagnes de rappels alimentaires, relayées et souvent déformées à toute vitesse, entraînent panique ou confusion, touchant en particulier les familles précaires. La fatigue informationnelle s’installe, créant stress et repli, comme le raconte Victor, 29 ans : « Je coupe tous les réseaux le soir tellement c’est anxiogène. Je sature. »
Faute d’alternatives crédibles, beaucoup se tournent vers des repères locaux ou des “communautés-médias” à taille humaine, qu’il s’agisse de groupes WhatsApp de quartier, de chaînes comme NOVO19, ou de créateurs identifiés pour leur sérieux.
L’écosystème de l’information n’a rien de figé. À peine 15 ans en arrière, le rendez-vous info se résumait au JT du 20h ou à la une d’un grand quotidien. Aujourd’hui, ce sont les notifications, les vidéos virales, ou les stories qui prennent le relais, avec une info toujours plus fragmentée et instantanée.
Ce phénomène est inscrit dans une dynamique globale : la France est l’un des pays où la confiance dans les médias est la plus basse (33 % selon Reuters Institute) ; l’infobésité explose, avec de nouveaux formats portés par des chaînes participatives comme NOVO19 ou des talk-shows sur Twitch. Même les politiques cherchent à se tailler une place sur TikTok ou Instagram, avec des fortunes diverses.
Les influenceurs et créateurs de contenus concurrencent, voir dépassent, les audiences des médias traditionnels. Chacun devient potentiellement médiateur d’informations, dans un univers où la frontière entre buzz, mobilisation citoyenne, fake news et micro-influence est plus poreuse que jamais.
En 2023, près de 900 rappels de produits alimentaires ont été recensés en France, principalement relayés sur Instagram ou Facebook. “Rappel Conso” a triplé son nombre d’abonnés depuis 2021 : la sécurité alimentaire passe désormais par le scroll et le buzz, au risque d’accentuer l’anxiété.
Les faux arrêts-maladie ont représenté plus de 30 millions d’euros de préjudice en 2024. Offres et faux documents se multiplient sur Telegram et Snapchat, où le contrôle échappe aux plateformes plus régulées. Les politiques peinent à engager les jeunes : 40 000 vues pour la première vidéo YouTube de François Bayrou, contre 100 000 en une matinée pour un simple Reel food d’influenceuse lyonnaise.
La chaîne NOVO19, lancée en septembre 2024, offre une actualité quotidienne participative et locale, misant sur la contribution directe des spectateurs. Selon Médiamétrie, 57 % des moins de 35 ans font plus confiance à l’info relayée par leurs pairs qu’aux médias traditionnels.
Statista souligne que 64 % des 18-34 ans ont déjà partagé une info “vue en Story” sans vérifier la source, et 29 % avouent s’être fait avoir au moins une fois par une intox virale. Plusieurs applis et comptes plébiscités par la génération Z/Y sont utilisés pour vérifier l’information, comme @RappelConso, “Vrai ou Fake” sur TikTok, ou des plateformes telles que Hoaxbuster ou Decodex.
Des outils existent pour filtrer et mieux maîtriser son flux informationnel : Notion, Feedly, groupes WhatsApp entre amis “sources sûres”. Suivre des comptes officiels comme @RappelConso sur X, des applications dédiées, ou même la newsletter de Too Good To Go permet de rester informé sans céder à l’emballement.
Le défi reste de taille pour les médias, les citoyens et les politiques : recréer des espaces de confiance, apprendre à collaborer, vérifier, croiser les sources, et s’adapter en permanence à un paysage info-médiatique de plus en plus mouvant.