Entre pannes planétaires de ChatGPT, percée des navigateurs IA comme Perplexity et montée en puissance de Mistral AI avec son cloud « made in France », la bataille pour la souveraineté numérique s’intensifie. Qui dominera l’IA de demain, les géants américains ou l’Europe qui rêve de reprendre la main sur ses données et ses outils stratégiques ?
ChatGPT, le « roi » planétaire des chatbots IA, n’est plus seul sur l’échiquier : la startup française Mistral AI bouscule le paysage avec l’annonce, ce jeudi 12 juin 2025, de son propre cloud « souverain » — construit en partenariat avec Nvidia, à deux pas de Paris. Pendant que Perplexity, nouvel outsider californien, tente de réinventer la navigation Internet à coup d’intelligence artificielle embarquée dans un navigateur « agent », le géant OpenAI accélère la sortie de GPT-5, promettant une IA « plus intelligente, plus rapide… et moins sujette à bug », sans convaincre que la dépendance mondiale à ses serveurs soit moins inquiétante.
Si l’emballement est au rendez-vous, c’est que ChatGPT revendique près de 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires mais reste sous contrôle américain, au cœur d’une guerre des talents, des serveurs et des modèles économiques encore incertains. De l’autre côté, Mistral AI lève des milliards, investit dans des data centers français et cible des grands groupes (Veolia, SNCF, Thalès…) soucieux de reprendre le contrôle sur leurs infrastructures critiques et leur souveraineté numérique.
Ce duel technologique s’ancre en France, où la crainte de “perdre les clés du camion” face aux géants du cloud US anime tant les patrons que les pouvoirs publics. Et pendant que l’Europe peine à combler son retard sur le cloud et l’IA, la multiplication des pannes chez OpenAI et les débats sur la fiabilité (hallucinations, sécurité, modèles économiques) réveillent la question : l’heure de la revanche technologique européenne aurait-elle enfin sonné ?
En toile de fond : une bataille stratégique pour l’indépendance et la confiance dans les outils numériques, à l’aube d’un monde où la panne d’un chatbot américain peut paralyser la productivité d’un continent.
700 millions d’utilisateurs, milliards sur la table et… une panne qui fait paniquer la planète bureautique. ChatGPT (GPT-5 fraîchement débarqué) prétend désormais être « plus rapide, plus intelligent, plus utile », mais continue de faire des « hallucinations »… et des sueurs froides à tous ceux qui bossent sur PowerPoint entre deux crashs massifs serveurs made in USA. « L’objectif, c’est que je puisse recommander ChatGPT sans réserve à un membre de ma famille en crise », déclare Nick Turley, d’OpenAI, confronté aux dérapages du chatbot, connu pour ses épisodes de délire métaphysique ou ses excès d’attachement émotionnel rapportés par certains usagers. Certains regrettent déjà le « caractère » du modèle 4o, vite remis en service après grogne mondiale sur les réseaux.
Sur le plan économique, le marché ne fait pas dans la demi-mesure : OpenAI est valorisé à plus de 300 milliards de dollars. Microsoft, Google, Meta et Amazon, chacun annoncent des investissements colossaux, visant à doper leurs centres de calcul, s’offrir les dernières puces Nvidia — et recruter à tour de bras dans l’arène IA. Le recrutement dans le secteur prend des airs de marché sportif, avec des « transferts » de talents dignes d’un mercato NBA.
Pendant ce temps en Europe, la startup Mistral AI avance à la force du cloud made in Essonne. Arthur Mensch, cofondateur, affiche sa volonté d’indépendance numérique : « Ce qui est important quand on met à disposition de l’intelligence artificielle, c’est d’avoir les clés du camion. Malheureusement en Europe, beaucoup d’entreprises utilisent encore des services pour lesquels ils n’ont pas les clés parce que ce sont des fournisseurs américains. » Mistral compte déjà 250 salariés, vise 400 d’ici l’an prochain, le plus gros cluster IA de France en construction avec Nvidia, et attire les champions locaux désireux de s’affranchir des plateformes américaines. Objectif : offrir une indépendance numérique réelle, quitte à patienter le temps nécessaire à l’installation de plusieurs dizaines de milliers de serveurs dans une zone industrielle de la région parisienne.
Désormais, les pannes de ChatGPT sont perçues comme un vrai risque stratégique dans les conseils d’administration des grandes entreprises françaises. Il ne s’agit plus seulement d’être « à la page » ou « disruptif », mais d’assurer la continuité d’activité même en cas de coupure des services américains, que ce soit pour cause de surchauffe technique, de tension géopolitique ou de décision juridique.
Pendant que la French Tech muscle ses data centers, les assistantes IA américaines parfois en panne continuent d’épater… et d’inquiéter. Jusqu’à quand ?
L’IA française n’a peut-être pas encore fait de miracles, mais au moins, sa hotline ne vous répond pas en anglais… pour le moment.
L’histoire de l’intelligence artificielle, c’est un peu comme une série Netflix où les Américains raflent les premiers rôles, les Britanniques jouent les savants fous en guest-star (coucou DeepMind), et les Européens débarquent à la saison 3 en espérant décrocher quelques lignes de dialogue.
Depuis la fin des années 2010, la big tech californienne (Google, Microsoft, Meta, Amazon…) a monopolisé la R&D, les data centers et l’essentiel des talents. Le lancement de ChatGPT fin 2022 marque un raz-de-marée : centaines de millions d’utilisateurs, modèles IA évoluant à la vitesse d’un fil Twitter survolté (GPT-3, 4 puis 5). Aujourd’hui, ChatGPT aurait près de 700 millions d’utilisateurs actifs hebdomadaires, et le nombre d’abonnés payants a doublé en quelques mois. L’Europe adopte à grands pas, mais les données prennent surtout la direction des clouds américains.
La domination américaine n’est pas sans failles. Les modèles, censés raisonner avec brio, continuent à « halluciner » : un sur dix des outputs de GPT-5 resterait sujet à caution. La moindre panne de ChatGPT tourne à la déconnexion mondiale pour nombre d’utilisateurs professionnels — et au festival de memes sur les réseaux.
Les challengers venus bousculer OpenAI sont pour la plupart américains ou chinois : Perplexity, DeepMind, xAI, Anthropic multiplient innovations et intégrations d’IA. Les Chinois, de leur côté, avancent avec DeepSeek, Kimi K2 ou Baidu Ernie, et testent leurs modèles à grande échelle.
L’Europe, elle, reste encore modeste dans la bataille. Malgré des stratégies affichées — réglementations comme le RGPD et l’IA Act, ambition d’autonomie — la plupart des entreprises et administrations restent tributaires des clouds américains. Côté champions, Mistral AI, Aleia, Poolside se distinguent, mais restent loin des masses financières américaines : Mistral, valorisée à plus de 6 milliards, pèse peu face au budget cloud annuel d’Amazon.
Microsoft, principal soutien d’OpenAI, s’apprête à investir plusieurs dizaines de milliards de dollars dans ses infrastructures IA en 2025. Google, Meta et Amazon jouent aussi à coups de milliards. Mistral AI s’illustre en lançant son cluster Nvidia francilien, mais le cloud souverain européen peine à convaincre en dehors de quelques grands comptes comme la SNCF ou Veolia.
Pour l’instant, la revanche technologique européenne reste à l’état d’ambition. Les investissements montent, la volonté politique se renforce, et OpenAI fait à la fois rêver et cauchemarder les décideurs publics, mais la dépendance aux clouds américains est toujours omniprésente dans le quotidien des entreprises.
Le match technologique se joue encore chez l’Oncle Sam, mais la balle, voire le serveur Nvidia, commence doucement à rebondir côté français. Reste à voir si la saison suivante sera celle du come-back européen, ou une nouvelle « hallucination » générative.
- ChatGPT, c’est désormais 700 millions d’utilisateurs hebdomadaires, soit six fois la France connectée à la même IA.
- Quinze à vingt pour cent des réponses de GPT-5 demeurent sujettes à invention ou erreur, selon OpenAI.
- Mistral AI vise plus de 400 collaborateurs d’ici fin 2025, poursuit ses levées de fonds et multiplie les accords avec des acteurs tricolores.
- Les compétitions IA (échecs, jeux de Go) révèlent les limites, bugs et gaffes parfois surprenants des modèles.
- Arthur Mensch martèle son mantra : « maîtriser son cloud, c’est maîtriser son avenir numérique ».
- Moins de 20 % du marché du cloud en Europe est européen ; la majorité des données transite toujours par les États-Unis.
- Les navigateurs IA comme Comet (Perplexity) font une percée aux USA ; aucun équivalent massif n’existe encore côté français.
- L’entraînement d’un modèle IA comme GPT-5 coûte plusieurs centaines de millions de dollars et des milliers de GPUs, avec un impact climatique réel.
Aux États-Unis, OpenAI prépare de nouveaux services professionnels ; Perplexity compte ouvrir son navigateur Comet au grand public ; DeepMind annonce de nouveaux “duels” entre IA. En France, Mistral AI accélère ses recrutements et promet la signature de nouveaux contrats avec Veolia, SNCF ou Thalès. D’autres startups européennes affinent leur stratégie, souvent loin des projecteurs.
L’IA Act européen entre en vigueur cet été, promettant plus de sécurité et de transparence. À suivre : les prochaines pannes majeures de ChatGPT pourraient bien accélérer le débat sur la souveraineté numérique dans les grandes entreprises françaises, tandis que Mistral AI et Nvidia avancent sur de prochains déploiements industriels.
La prochaine partie d’échecs, entre champions et serveurs, ne fait que commencer. Avoir « les clés du camion » devient la nouvelle obsession des acteurs français — condition minimale pour rester dans la course. La surchauffe des GPU et le retour du cloud made in France s’invitent comme les nouveaux défis. En matière de panne, il reste ce constat : rien ne vaut un serveur qui répond dans la langue de Molière, même sans accent de rock star américaine.