Entre tensions sécuritaires chroniques et pôle d’excellence scientifique, Marseille se place au cœur de l’actualité. Tandis qu’une attaque au couteau secoue le quartier Belsunce et met en lumière la faillite de l’État face à la criminalité, des chercheurs innovent au large de la ville avec des projets de pointe en génomique marine et des systèmes de surveillance dopés à l’IA. Comment la cité phocéenne conjugue-t-elle, aujourd’hui, prouesses technologiques et dérive du vivre-ensemble ?
Marseille, début juin 2025 : alors que la cité phocéenne revient une fois de plus sous les projecteurs après une attaque au couteau dans le quartier Belsunce – énième épisode d’une insécurité urbaine chronique – un tout autre visage de la ville s’affirme simultanément. Sur le même littoral, à quelques encablures du Vieux-Port, des équipes de scientifiques sillonnent la Méditerranée à bord de navires-laboratoires, engagés dans le projet national Atlas Sea : une initiative majeure dont l’objectif est de collecter et séquencer le génome de plus de 4 000 espèces marines, afin de dresser une carte inédite de la biodiversité et d’en extraire d’éventuelles molécules d’intérêt pour l’industrie ou la santé.
Tandis que les quartiers centraux souffrent d’un climat délétère – agressions, trafics, tensions communautaires – la ville expérimente en parallèle, sur ses hauteurs, de nouvelles technologies de surveillance boostées à l’intelligence artificielle : caméras capables de détecter en temps réel les départs de feux de forêt, dispositifs présentés comme la réponse d’un État dépassé par la multiplication des catastrophes climatiques et de plus en plus impuissant à garantir la sécurité de ses citoyens. Plus de 16 000 hectares viennent encore de partir en fumée dans l’Aude, tandis que Marseille elle-même, fragilisée par une urbanisation anarchique et un laxisme sécuritaire, se trouve exposée à la fois aux dangers du feu et à la violence ordinaire.
Ce contraste saisissant – entre excellence scientifique et dégradation sécuritaire – pose une question de fond : comment la France peut-elle continuer à briller dans la recherche et les technologies de pointe, tout en abandonnant ses territoires à l’ensauvagement ? À Marseille, carrefour historique du génie national, l’écart se creuse chaque jour un peu plus entre l’effervescence des labos et l’abandon du quotidien – révélant le malaise profond d’une nation qui semble avoir renoncé, à terre, à défendre son identité et sa souveraineté, pyrotechnique comme citoyenne.
Impossible de dissocier l’explosion des faits divers à Marseille de son contexte immédiat. La cité phocéenne, perçue jadis comme un carrefour méditerranéen de culture et de commerce, est aujourd’hui sous le feu des projecteurs pour des raisons bien moins glorieuses. L’attaque au couteau survenue récemment dans le quartier Belsunce n’est que l’ultime épisode d’une série noire : en 2024, la préfecture de police recense déjà plus de 120 agressions graves dans l’hyper-centre, dont près de la moitié impliquent des armes blanches. Le taux de cambriolages y a bondi de 17 % en un an selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, et les forces de l’ordre évoquent dans leurs communiqués un « sentiment d’impuissance face à la montée de la violence ultrarapide et imprévisible ».
Le maire socialiste Benoît Payan tente d’afficher son volontarisme : « Nous investissons massivement dans la vidéo-protection, sans jamais perdre de vue l’humain ». Pourtant, la réalité est toute autre : selon la Cour régionale des comptes, seule une caméra municipale sur trois fonctionne correctement la nuit dans les quartiers sensibles, faute de maintenance ou de moyens techniques.
Dans le même temps, la ville capte des budgets importants pour ses projets scientifiques. Exemple frappant : le programme Atlas Sea, financé à hauteur de plus de 15 millions d’euros de fonds publics et européens (source : Agence Nationale de la Recherche), mobilise plus de 80 chercheurs pour collecter plus de 4 000 espèces marines et séquencer leur génome, dans l’espoir de découvrir de nouvelles molécules d’intérêt pour la santé ou l’industrie. Le professeur Bertrand Bed’home du Muséum d’Histoire Naturelle explique :
« À partir du moment où on a le génome de ces organismes, on pourrait produire des molécules en dehors de ces espèces. Les antibiotiques, par exemple, sont souvent issus du vivant marin. »
Loin des laboratoires, la menace des incendies grandit également : 16 000 hectares partis en fumée dans l’Aude cette année, du jamais vu depuis 1949, et les alentours de Marseille n’ont pas été épargnés. Pour anticiper ces catastrophes, la municipalité s’en remet à l’intelligence artificielle, avec des caméras surplombant la ville et capables de détecter « précocement » un départ de feu. Ce dispositif, vanté pour sa réactivité (alerte envoyée deux fois plus rapidement qu’un témoin humain, d’après le directeur du AI for Sustainability Institute), fonctionne 24h/24, mais avec un coût énergétique considérable : la consommation des data centers nécessaires à leur fonctionnement devrait doubler d’ici 2030 (Agence internationale de l’Énergie), aggravant elle-même le risque de sécheresse, ironie du progrès technologique au service de l’environnement.
Enfin, ce contraste entre le déploiement de moyens extraordinaires pour la recherche scientifique – gage d’excellence nationale – et l’état d’abandon du quotidien marseillais interroge les habitants. Une riveraine de Belsunce témoigne, amère :
« Ici, on innove beaucoup, mais pour vivre normalement dans la rue, on aimerait juste un peu d’ordre. »
Conséquences ? Croissance du sentiment d’exclusion de la population locale, fuite des classes moyennes, multiplication des zones de non-droit où la République s’efface derrière le communautarisme. L’innovation scientifique et technologique, pour rester crédible, ne saurait faire office de cache-misère : sans sécurité collective, pas de progrès durable – à Marseille comme partout ailleurs.
Marseille incarne, à bien des égards, les contradictions profondes de la France contemporaine. Depuis les années 1970, l’ancienne « porte de l’Orient » a connu une recomposition démographique massive, conséquence directe de vagues migratoires successives – dont les effets sur la cohésion sociale et la sécurité sont désormais documentés.
Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, Marseille figure chaque année en tête des villes françaises pour les agressions, cambriolages et homicides, notamment dans les quartiers les plus fragilisés comme Belsunce, la Belle de Mai ou les abords des quartiers Nord. Le taux de criminalité, stable autour de 8 à 9 pour 1 000 habitants (données ONDRP, 2023), frôle désormais les plus hauts standards européens — voire les dépasse si l’on considère nombre d’agressions non répertoriées ou sous-déclarées.
Ce climat, aux conséquences directes sur le tourisme, l’investissement privé ou les recrutements scientifiques, s’enracine dans un laxisme organisationnel et administratif, aggravé par la complexité des flux migratoires et un communautarisme de fait, qui fragilise le vivre-ensemble et rend de plus en plus difficile toute forme de contrôle du territoire.
Pourtant, Marseille demeure l’un des principaux bastions de l’innovation et de la recherche française. On ne compte plus les centres universitaires (Aix-Marseille Université, CNRS, IRD…), les pôles hospitaliers de pointe, et désormais, des projets scientifiques d’envergure mondiale comme le programme Atlas Sea. Celui-ci s’inscrit dans le sillage des grandes expéditions menées sous pavillon français depuis le XIXᵉ siècle, désormais dopées par les outils de la génomique et de la modélisation informatique. Dans le seul périmètre de la recherche marine, la France figure parmi les quatre premiers pays d’Europe en termes de publications et de dépôts de brevets liés aux biotechnologies marines (European Marine Board, 2023).
L’exemple marseillais s’inscrit dans un schéma contrasté quand on le compare à d’autres villes portuaires européennes. Amsterdam, Rotterdam ou même Gênes ont massivement investi dans une vidéosurveillance intelligente, l’analyse prédictive (notamment via l’IA pour la prévention des délits ou des incendies) et une stricte gestion de la diversité culturelle. Les Pays-Bas, par exemple, appliquent une politique de « tolérance zéro » et ont vu leur taux de criminalité chuter de près de 30 % en vingt ans. La France, à rebours, multiplie les expérimentations technologiques sans les doter d’un véritable encadrement politique, persistant à aborder la question sécuritaire comme un fait divers ou une fatalité climatique.
Ce paradoxe, cruel et éclatant, voit l’un des pôles majeurs de la recherche française côtoyer la réalité d’une insécurité ordinaire, mondialisée elle aussi. Il interroge le modèle d’un État qui sait encore promouvoir la science de haut niveau, mais capitule devant la fragmentation sociale, l’ensauvagement urbain et une perte de souveraineté sur son propre sol. Voilà la France 2025 : capable du meilleur lorsqu’elle regarde l’horizon au large de Marseille, mais prisonnière de ses renoncements dès qu’elle pose le pied à terre.
Quelques chiffres et anecdotes rendent compte de la tension permanente entre innovation et insécurité à Marseille :
- Selon le ministère de l’Intérieur (rapport 2023), Marseille reste parmi les premières grandes villes françaises pour les agressions à l’arme blanche – avec une hausse de plus de 10 % des faits recensés en un an dans les arrondissements du nord, Belsunce en tête.
- Un recensement indépendant estime à près de 60 % la part d’habitants du centre-ville se déclarant “inquiet pour leur sécurité au quotidien” (sondage Le Figaro/CSA, fin 2024).
- Le projet Atlas Sea a collecté 1 500 espèces marines sur les 4 500 prévues en deux ans de campagne, soit près de 33 % de l’objectif. L’expédition permet d’isoler et congeler chaque matin jusqu’à 200 spécimens avant acheminement au Genoscope de Paris qui centralise le séquençage ADN.
- La découverte régulière de résidus plastiques dans les prélèvements marins empêche de dissocier enjeux scientifiques et problématiques écologiques, mais alimente aussi les recherches sur les bactéries capables de « manger le plastique ».
- La caméra IA surplombant Marseille fonctionne 24h/24 et divise par deux le délai d’alerte aux incendies par rapport aux simples riverains (source France 24). La consommation électrique des data centers, moteur de ces innovations, va doubler d’ici 2030 selon l’Agence internationale de l’énergie.
- Malgré ces prouesses, la ville investit moins de 2 % de son budget global dans le développement d’outils numériques pour la sécurité publique, toutes technologies confondues (rapport municipal 2024).
Sur les quais de Marseille, il n’est pas rare d’entendre des membres d’équipages scientifiques plaisanter : “Sur l’eau, on cherche le futur ; sur terre, on craint le présent.” En 2025, alors que la ville accueille un sommet mondial sur la protection des océans, la police locale recense la recrudescence des micro-trafics à moins de 300 mètres de la base de départ du projet Atlas Sea.
S’il est trop tôt pour évaluer l’impact réel du projet Atlas Sea ou des systèmes d’IA sur la vie quotidienne des Marseillais, il faudra observer, dans les prochains mois, les publications scientifiques issues de ce laboratoire flottant et les premiers bilans des dispositifs de surveillance automatisée en matière de lutte contre les incendies. À l’échelle nationale, plusieurs villes testent aujourd’hui des technologies comparables ; leur efficacité sur d’autres fronts – sécurité urbaine, anticipation des risques – demeure à surveiller, sans perdre de vue les enjeux éthiques et énergétiques qui s’imposent avec acuité dans le débat public.
Pour les citoyens désireux d’approfondir ces questions, des conférences et rencontres sont régulièrement organisées à Marseille autour de la biodiversité et de la sécurité et les résultats du projet Atlas Sea seront mis à disposition via des plateformes spécialisées, offrant de nouvelles ressources pour comprendre la richesse — et la fragilité — du vivant en Méditerranée.
Les prochains mois pourraient voir surgir de nouveaux partenariats entre laboratoires, collectivités et acteurs privés autour de l’innovation sécuritaire. Un dossier à suivre.