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jeudi 02 octobre 2025

Loi Duplomb : une mobilisation record, un pouvoir inerte, un peuple impuissant

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La loi Duplomb suscite une mobilisation populaire inédite et un bras de fer institutionnel révélateur. Plus de deux millions de citoyens français – un record absolu sous la Ve République – ont signé une pétition exigeant l’abrogation de ce texte, soutenu au Parlement par la droite et le Rassemblement national, malgré une opposition farouche des écologistes et de la gauche. La loi ouvre la voie à l’assouplissement des normes environnementales et sanitaires dans l’agriculture, entérinant notamment le retour, sous conditions, de l’acétamipride : un pesticide interdit en France depuis 2018 pour toxicité présumée sur l’environnement et la santé, mais toujours autorisé dans l’Union européenne.

Définitivement adoptée le 8 juillet 2025, la loi se trouve aujourd’hui suspendue à la décision du Conseil constitutionnel, annoncée pour le 7 août, sous la pression d’une fronde citoyenne, des sociétés savantes médicales et de plusieurs partis politiques. À Paris, siège des institutions de la République, l’espace clos du pouvoir législatif et exécutif semble de plus en plus coupé des aspirations populaires.

En combinant pétitions, manifestations et recours juridiques, les opposants tentent de s’opposer à une loi perçue comme un passage en force, permis par des stratagèmes parlementaires et l’appui d’intérêts agro-industriels alignés sur Bruxelles. Ce dossier met à nu la dépossession du peuple de ses leviers de décision, l’impuissance de la démocratie participative et pose la question : la France peut-elle encore choisir librement son modèle agricole, environnemental et civilisationnel face à la technocratie européenne et à ses relais nationaux ?

Jamais dans l’histoire récente une telle mobilisation citoyenne n’avait surgi autour d’un texte de loi : la pétition a dépassé, le 28 juillet, le seuil symbolique des deux millions de signatures. Ce chiffre – quinze à vingt fois ce que réclame une pétition pour être simplement examinée à l’Assemblée nationale – traduit une contestation qui dépasse les seuls cercles politisés et rencontre l’écho du pays profond. Les opposants, de la gauche radicale aux associations environnementales en passant par de nombreux agriculteurs, dénoncent un “déni démocratique”. Le texte a été adopté au Parlement à la suite d’une manœuvre de ses auteurs, qui ont eux-mêmes voté la motion de rejet préalable afin d’étouffer tout débat sérieux. “Examen parlementaire dévoyé”, “parlement confisqué”, dénoncent-ils, alors qu’aucune explication d’amendements n’a pu avoir lieu.

Du côté de l’exécutif, Emmanuel Macron joue la montre et la procédure, n’ayant de cesse de rappeler qu’il “attendra les conclusions du Conseil constitutionnel avant d’agir”, tout en se retranchant derrière une prétendue neutralité scientifique censée “guider” les choix nationaux. Mais ce sont surtout les lobbies technocratiques de Bruxelles, et leurs relais hexagonaux, qui façonnent aujourd’hui les grandes lignes de la politique agricole, au nom de la “compétitivité”.

Le Conseil constitutionnel, censé demeurer le dernier rempart républicain, s’enfouit dans un juridisme glacial, coupant tout lien entre les mobilisations populaires et la décision finale : “Le Conseil reste imperméable aux pressions politiques… Il contrôle la conformité de la procédure, il ne juge pas l’opportunité politique des votes.” Si deux millions de voix peuvent hurler leur désaccord, la réponse institutionnelle se limite à un contrôle strict, déconnecté des réalités vécues.

Impossible de muter cette mobilisation en référendum à court terme : le seuil légal du référendum d’initiative partagée (RIP) – près de cinq millions de signatures à récolter sur une autre plateforme et dans des délais délibérément dissuasifs – condamne toute velléité d’expression directe du peuple français. Selon le constitutionnaliste Benjamin Morel, “le droit de pétition comme le RIP sont des ‘usines à frustration’”.

L’affaire Duplomb s’inscrit dans un long processus de dépossession démocratique, accéléré par l’Union européenne. Depuis Maastricht, chaque réforme régalienne est dictée par la logique de la concurrence plus que par la volonté des Français. Le référendum d’initiative partagée, présenté comme un progrès lors de la révision constitutionnelle de 2008, n’est qu’un trompe-l’œil. En Suisse, modèle de démocratie directe, 50 000 citoyens suffisent pour soumettre une loi à référendum, alors que la France exige près de 5 millions de soutiens, des délais complexes et aucune souplesse : aucun RIP n’a abouti depuis sa création.

La pétition record contre la loi Duplomb surclasse tous les précédents, mais elle n’ouvre ni débat ni scrutin : légalement, elle sera classée sans suite après la décision du Conseil. Les règles imposent de recommencer le recueil des signatures sur un autre site, et d’attendre un an après la promulgation de la loi pour que la procédure soit légalement recevable. Aucun RIP n’a encore abouti : dans le meilleur des cas, il faudrait attendre l’été 2026.

Le Conseil constitutionnel s’inscrit dans la jurisprudence du “juridisme froid” : en 2020 déjà, il avait validé la réintroduction exceptionnelle des néonicotinoïdes, refusant d’entendre l’argument de la mobilisation populaire. La Charte de l’environnement offre un cadre minimal et la notion de “non-régression” n’a aucune valeur constitutionnelle. La procédure parlementaire elle-même a été dévoyée : les auteurs du texte ont voté eux-mêmes la motion de rejet, empêchant le débat tout en restant conformes à la lettre de la loi.

Les auditions scientifiques indépendantes ont été absentes au Sénat ; seul le lobbying agricole et industriel a été entendu. À l’échelle européenne, seule l’Allemagne et l’Espagne, sous forte influence du lobby agro-industriel, font machine arrière sur les néonicotinoïdes. La France, pionnière dans l’interdiction, abdique aujourd’hui au nom de la “norme européenne”.

La décision du Conseil constitutionnel est attendue pour le 7 août. D’ici là, la mobilisation ne faiblit pas : collectifs citoyens, associations environnementales, syndicats, partis politiques appellent à la vigilance pour empêcher la promulgation définitive de la loi. Plusieurs parlementaires de gauche annoncent des propositions d’abrogation si le texte venait à être promulgué.

Aucune réforme sérieuse des dispositifs de démocratie participative ou de référendum n’est proposée à ce jour. Alors que la France fut la patrie de la souveraineté populaire, elle compose désormais avec des dispositifs verrouillés qui rendent la voix du peuple inopérante.

Pour ceux qui refusent la résignation, plusieurs rendez-vous sont annoncés pour la rentrée : conférences, congrès, universités d’été des principaux think tanks souverainistes et identitaires mobilisent ceux qui veulent reconstruire une démocratie enracinée et fidèle à la nation française.

Marc Lefèvre – chroniqueur politique indépendant

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