La France durcit la régulation des réseaux sociaux, imposant aux plateformes des géants du web — Meta, X/Twitter, TikTok, Twitch… — des règles aussi strictes que dans l’audiovisuel. Depuis juin 2025, sous la houlette d’Aurore Bergé, le gouvernement exige la mise en place d’une « chaîne de responsabilité » numérique : la fin du statut d’hébergeur pour les réseaux sociaux, des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial, une double authentification par pièce d’identité ou carte bancaire pour ouvrir un compte, la coupure de la monétisation dès le moindre doute, et l’interdiction d’accès aux moins de 15 ans. Emmanuel Macron a par ailleurs réclamé une interdiction pure et simple pour les mineurs, arguant de la nécessité de “protéger la jeunesse”.
Dans les faits, ces mesures entendent établir une modération serrée sur la parole publique : tout propos critique envers l’immigration, l’Union européenne ou la mondialisation peut désormais tomber sous le coup d’une définition étendue de la “haine”. Entre protection légitime et répression idéologique, la frontière s’efface au profit d’un contrôle renforcé, soutenu par le contexte européen et les obligations du Digital Services Act. Le gouvernement s’aligne sur la logique de l’audiovisuel traditionnel : tout écart de parole est sujet à sanction.
Aurore Bergé l’a déclaré sur franceinfo le 3 juin 2025 : “On ne peut pas avoir un permis à avoir des propos racistes ou antisémites… Ils ne peuvent plus se ranger derrière l’irresponsabilité.”
Autrement dit, les plateformes devront se montrer aussi vigilantes que les chaînes de télévision, tenues juridiquement responsables des propos de leurs invités. L’Arcom, l’autorité de régulation française, appuie la nécessité d’agir en avançant des chiffres éloquents : 2,3 millions de mineurs français consulteraient chaque mois les sites pornographiques, soit 30 % des “internautes adultes”, et plus de la moitié des garçons de 12 ans seraient concernés. Malgré tout, la double authentification proposée suscite des doutes, y compris chez les parents, sur son efficacité réelle. Beaucoup estiment que les jeunes sauront contourner les systèmes de protection, reléguant la promesse de protection à la seule traçabilité accrue des utilisateurs.
Le contexte international donne la mesure du phénomène : au Brésil, la Cour suprême a bloqué X/Twitter durant 40 jours sous prétexte de lutte contre la “désinformation”, imposant la purge de multiples comptes patriotes tandis que les juges multipliaient les sanctions et bannissements. Le Canada, l’Allemagne ou la France se dotent de dispositifs répressifs similaires, assimilant toute affirmation de l’identité ou toute critique de l’immigration à des discours de haine devant être proscrits. Les chiffres de demandes de suppression explosent, la France figurant parmi les plus actifs derrière la Turquie ou l’Allemagne.
Depuis la loi Avia de 2019, qui imposait déjà le retrait express des contenus dits “haineux”, la mécanique s’est institutionnalisée à l’échelle européenne. Le Digital Services Act renforce la mainmise des autorités et de leurs agences sur les grandes plateformes, reléguant la pluralité du débat public au second plan et confiant le filtrage des voix “dissidentes” à des garde-fous idéologiques. Désormais, la contestation patriotique ou la défense de thèmes nationaux, hier considérée comme invitation au débat, tombe dans le champ d’une illégalité morale.
L’obsession de la “protection des mineurs” masque en partie la dérive générale. Malgré l’arsenal technique — filtres, authentification, interdictions — les blocages restent facilement contournables et les chiffres de fréquentation, notamment concernant la pornographie, demeurent élevés. Parallèlement, l’obligation de vérification d’identité pour chaque internaute s’installe peu à peu, annonçant la fin de tout anonymat pour ceux qui contesteraient la ligne officielle.
La France rejoint ainsi le mouvement global de verrouillage du débat en ligne : toute pensée jugée “hors-norme” se voit assimilée à la haine, et l’administration dispose aujourd’hui des leviers techniques et juridiques pour chasser, à grande échelle, des sphères numériques les voix jugées contrariantes. La défense de l’identité française ou la simple expression d’un patriotisme affirmé ne sont plus seulement contestées mais menacées de disparaître du débat public, au nom d’un nouvel ordre moral, national et supranational, imposé au nom du “vivre-ensemble”.
Le véritable enjeu se dessine : la soumission progressive de la souveraineté nationale aux impératifs idéologiques bruxellois et internationaux, dissimulée derrière la “lutte contre la haine”. Alors que les exemples brésiliens ou européens montrent la voie, la question demeure ouverte : qui pourra demain exprimer hors de tout contrôle, sans licence ni approbation officielle, son attachement à la nation, ses frontières, et son identité culturelle ? L’avenir du débat en France, et plus largement en Occident, paraît étroitement lié à la capacité de ses citoyens à défendre la liberté et la pluralité numériques face aux assauts conjoints des institutions et des plateformes.