À l’heure où la France relance le nucléaire mais reste floue sur ses ambitions pour les renouvelables, une nouvelle révolution industrielle se profile : innovations en intelligence artificielle, robots inspirés du vivant et essor mondial du solaire pourraient-ils transformer nos villes et nos industries au service du climat ?
Alors que le Sénat français vient de voter en faveur d’une relance massive du nucléaire pour la décennie à venir, sans fixer d’objectifs clairs pour le solaire ou l’éolien d’ici l’automne 2025, la dynamique mondiale s’oriente radicalement vers les renouvelables : 92,5 % des nouvelles capacités électriques installées dans le monde en 2024 sont renouvelables, selon l’IRENA, avec la Chine en principale locomotive grâce à un boom du solaire. Parallèlement, sur le front technologique, la robotique entre dans une nouvelle ère avec les premiers robots « organoïdes » conçus à Tianjin, en Chine, intégrant de véritables tissus neuronaux humains pour consommer moins d’énergie et interagir de manière plus naturelle avec leur environnement.
Dans cette convergence inédite entre avancées de l’IA, biorobotique, et transition énergétique, la France s’interroge sur sa stratégie industrielle alors que les salons comme VivaTech (Paris, juin 2025) mettent à l’honneur les solutions mêlant intelligence artificielle, bien-être, et écologie. La question qui s’impose aux décideurs publics, industriels, et ingénieurs : comment exploiter l’apport des intelligences hybrides et des technologies vertes pour rendre l’industrie compatible avec les exigences climatiques, sans répliquer les erreurs du passé ? Entre course à l’innovation, modèles énergétiques à repenser et formation des nouvelles générations de spécialistes, l’Europe est à la croisée des chemins.
La France face à des choix énergétiques, à rebours de la dynamique mondiale
La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) en débat à l’Assemblée et au Sénat reflète une France à la croisée des chemins énergétiques. Le texte, centré sur une relance spectaculaire du nucléaire – 14 nouveaux réacteurs EPR2 prévus –, laisse pourtant le secteur des énergies renouvelables dans une incertitude inquiétante : aucun objectif précis pour le solaire ou l’éolien n’a été voté, le détail étant repoussé à un décret ultérieur. Point d’orgue de ce flou, des amendements ont même envisagé un moratoire sur l’éolien et le photovoltaïque, une option finalement écartée, mais symptomatique d’un climat politique incertain.
Cette stratégie française contraste radicalement avec la tendance internationale. Selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), 92,5 % des nouvelles capacités électriques installées sur la planète en 2024 sont d’origine renouvelable – un record absolu, essentiellement porté par le solaire photovoltaïque (qui représente trois quarts des nouveaux ajouts). Yannick Jadot, eurodéputé écologiste, souligne que 93 % des nouvelles capacités mondiales sont renouvelables, tandis que la Chine, à elle seule, capte 63 % de cette croissance (274 GW, dont 216 GW de solaire en 2024). États-Unis et Union européenne suivent, distancés, tandis que la France ne pèse qu’environ 1 % du total mondial des nouvelles capacités renouvelables (environ 5 GW en 2023, principalement solaire et éolien).
« Cet effacement programmatique du solaire et de l’éolien serait irresponsable alors qu’ils se développent plus vite que toutes les autres énergies dans le reste du monde. Les conséquences énergétiques et sociales seraient désastreuses », alerte Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). « Dessiner l’avenir énergétique de la France en décidant, par pure convention politicienne, que le solaire et l’éolien doivent être exclus de l’équation est totalement irresponsable. »
Les conséquences concrètes sont multiples :
- Retard industriel : la France pourrait voir s’éloigner les emplois et investissements liés à la filière solaire/éolien, qui pèse déjà 166 000 emplois dans l’Hexagone.
- Souveraineté énergétique menacée : priver le mix français des technologies renouvelables revient à accroître la dépendance au nucléaire et à l’importation d’innovations développées ailleurs, en particulier en Asie.
- Déphasage environnemental : avec seulement un tiers de l’électricité mondiale d’origine renouvelable en 2024, retarder les investissements dans les filières au plus fort potentiel mondial pèserait sur les objectifs de décarbonation français et européens.
En somme, l’immobilisme voire la défiance vis-à-vis des renouvelables dans le débat parlementaire français fait peser un risque de décrochage industriel, technologique et écologique, alors même que la dynamique internationale s’accélère. Cela interroge la capacité de la France à saisir les opportunités de la biorobotique, de l’IA et du numérique vert dans le grand basculement industriel des prochaines décennies.
Entre ruptures technologiques et héritage industriel
Historiquement, l’énergie, l’automatisation et l’innovation technologique se sont toujours entremêlées pour façonner les cycles industriels, de la première révolution portée par la machine à vapeur à l’actuelle vague numérique. En France, la planification du secteur énergétique reste structurée par la place dominante du nucléaire, héritage du « tout-atomique » décidé après le premier choc pétrolier. Si ce modèle a permis une électricité globalement décarbonée, il peine à s’ajuster à l’accélération mondiale des renouvelables : près de 93 % des nouvelles capacités électriques installées en 2024 dans le monde étaient issues des ressources renouvelables, dont le solaire en tête (216 GW rien qu’en Chine), alors que la France ne pèse qu’environ 1 % des ajouts mondiaux en 2023.
Côté technologie industrielle, le cloud, l’IoT et l’IA sont devenus la colonne vertébrale des nouvelles usines (smart factories), réseaux électriques, et chaînes d’approvisionnement. La prochaine rupture ? L’irruption de la biorobotique, portée notamment par la Chine : la conception de robots à « cerveaux organoïdes », c’est-à-dire dotés de tissus neuronaux humains, pourrait permettre des machines capables de naviguer, apprendre et interagir avec l’environnement en consommant très peu d’énergie, révolutionnant la maintenance, la logistique ou la gestion des infrastructures vertes.
À la VivaTech 2025 (Paris), l’IA dans ses déclinaisons industrielles, environnementales et citoyennes était à l’honneur, prouvant que la convergence entre numérique, biologie et énergie n’est plus une utopie, mais bien le nouveau front de l’innovation technologique.
Chiffres clés et tendances émergentes
- 92,5 % des nouvelles capacités électriques mondiales en 2024 sont renouvelables. D’après le dernier rapport de l’IRENA, près de 270 GW de solaire photovoltaïque se sont ajoutés à la puissance installée mondiale en 2024, dont 216 GW en Chine – soit plus que toute l’UE réunie la même année.
- En France, 5 GW ont été ajoutés en 2023 (1 % du total mondial). Malgré des records nationaux, la France reste à la traîne de la dynamique mondiale, accentuant sa dépendance technologique alors que l’Europe cherche à relocaliser son industrie.
- Les systèmes d’intelligence artificielle actuels voient leurs limites dans la compréhension des scènes complexes, dynamiques et sociales : pour la mobilité autonome, la robotique industrielle embarquée ou l’assistance à la personne, l’IA « perd le fil » dès qu’il s’agit de prédire des comportements humains.
- Du côté de la biorobotique, des équipes à Tianjin cultivent des organoïdes cérébraux dont les signaux électriques sont traduits en instructions informatiques : une fusion œil-cerveau-machine ouvrant la voie à des robots adaptatifs à très faible consommation, capables de s’intégrer naturellement à des environnements complexes.
- Le secteur des renouvelables représente 166 000 emplois directs en France et plus de 500 entreprises – une filière industrielle menacée si le retard national se creuse.
- Le solaire est désormais la source d’électricité la moins chère à installer et exploiter dans nombre de régions du monde, devant le charbon, le gaz ou le nucléaire.
- VivaTech a mis en avant des initiatives comme Ocean Eyes (prédiction IA pour la pêche durable), EMOBOT (détection IA des troubles de l’humeur) : des exemples incarnant la fusion entre IA, industrie et transition environnementale.
- Face à la révolution IA-biorobotique-énergie, la formation devient un enjeu clé : formation initiale, continue, veille technologique et diffusion rapide de nouveaux référentiels métier.
Conclusion
À l’heure où la France doit décider du cap à tenir pour sa future industrie, le dialogue entre experts, ingénieurs et société civile est plus nécessaire que jamais. Car la transition verte, numérique et humaine sera collective… ou ne sera pas.