SpaceX a réussi le 26 août 2025 un vol test clé de sa mégafusée Starship, amerrissant sans incident après avoir déployé plusieurs simulateurs de satellites. Cet exploit relance le rêve d’Elon Musk : établir sur Mars une colonie humaine autonome, capable de fonctionner grâce à une énergie fiable et durable. Mais comment imaginer une installation humaine sur la planète rouge qui soit 100 % fondée sur des énergies renouvelables, alors même que la Terre est en pleine mutation énergétique ?
Le contexte terrestre est marqué par une accélération sans précédent des capacités renouvelables. Selon l’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA), plus de 92 % des nouvelles installations électriques mondiales en 2024 sont “vertes”, portées largement par la Chine, à l’origine de plus de 60 % de ces ajouts, contre une France qui peine à suivre le rythme et s’interroge sur la place réelle du solaire et de l’éolien. Les décisions politiques y demeurent incertaines : le pays a récemment acté la relance du nucléaire (14 nouveaux EPR2) tout en reportant à l’automne ses arbitrages quant à la trajectoire des énergies renouvelables.
Ce contraste met en relief la question suivante : peut-on dessiner sur Mars une société énergétique entièrement décarbonée, quitte à rendre la planète rouge laboratoire radical de la sobriété, de l’autonomie et de l’innovation ? Les défis ne manquent pas. Installer des panneaux solaires sur Mars, où l’ensoleillement moyen n’atteint que 43 % de celui de la Terre, oblige à compenser par une densité accrue et une surveillance constante face à la poussière martienne. Les micro-réacteurs nucléaires, tels ceux à l’étude avec le projet Kilopower de la NASA, semblent séduisants mais posent la question aiguë de la gestion des déchets et du refroidissement en territoire désert.
Les ambitions martiennes obligent à repenser l’usage, la production et le stockage des énergies dans des contextes extrêmes. Stocker l’énergie via hydrogène ou batteries avancées devient indispensable, surtout pour résister aux longues nuits de plus de douze heures ou aux tempêtes pouvant priver de soleil plusieurs jours. L’IA et la robotique promettent des infrastructures autoréparantes et une maintenance préventive : de la gestion des microgrids à l’automatisation du nettoyage des panneaux, en passant par la détection instantanée des pannes critiques, l’objectif reste l’autonomie totale – dans des conditions où le moindre raté peut compromettre la mission tout entière.
Sur Terre, ces avancées technologiques et organisationnelles – centrales d’énergie renouvelable, innovation dans le pilotage temps réel, redondance et gestion de crise – irriguent déjà le secteur énergétique. Les méthodes d’itération continue et de fail-fast adoptées dans l’industrie spatiale infusent le secteur du logiciel, du cloud et des infrastructures “as code”, autant d’outils potentiels pour des réseaux énergétiques hybrides ou 100 % propres, aussi bien ici-bas qu’en orbite.
Mars s’impose ainsi comme miroir – voire éclaireur – de la transition énergétique. Les difficultés et solutions inventées pour des bases dans un monde hostile (autonomie, sobriété, IA de gestion extrême) préfigurent ce que réclame déjà l’urgence climatique sur Terre. L’expérience des bases polaires, non encore intégralement renouvelables, rappelle l’ampleur du défi.
En définitive, la conquête de Mars invite à une réflexion profonde sur notre rapport global à l’énergie, à l’innovation et à la sobriété. Les succès comme les échecs de Starship font écho à la nécessité d’accélérer sur la double planète bleue et rouge. Autonomie, efficacité, recyclage local, hybridation intelligente des technologies et pilotage algorithmique : si Mars devient le terrain ultime pour tester la société zéro carbone, c’est peut-être la Terre qui en tirera les premières leçons, à condition d’oser la transformation… avant que le rêve spatial ne reste lettres mortes.
Pour approfondir :
- Suivre les rapports de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA)
- S’informer sur l’évolution de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie en France
- Surveiller les innovations Starship (SpaceX), microgrid solaires, micro-réacteurs et IA embarquée pour l’exploration martienne
L’exploration interplanétaire, au carrefour de l’ingénierie, de l’informatique et de l’énergie propre, s’impose ainsi comme le laboratoire ultime d’une future sobriété – et d’une résilience – qui pourraient bientôt nous être vitales, sur Mars… comme sur Terre.