Après deux ans de pandémie et l’explosion du coût des transports, la Génération Z et les jeunes actifs réinventent le voyage à l’ère post-Covid. En 2025, organiser un city trip à Berlin, un week-end vélo sur la Loire ou un séjour street food à Lisbonne ne se fait plus sans Instagram, TikTok et, désormais, l’IA générative. Habitués à la chasse au bon plan, ces jeunes explorateurs traquent les billets d’avion low-cost via Google Flight Deals, comparent les itinéraires tendance sur TikTok, et dénichent de nouvelles adresses food sur Instagram ou dans les Reels d’influenceurs. Derrière la tentation du « tout, tout de suite », certain·e·s aspirent aussi à des escapades plus slow : voyages en train ou à vélo, ateliers créatifs, city breaks écolo, expériences de digital detox comme l’Offline Club, la méditation ou encore les journées “écran off”.
Ce cocktail high-tech esquisse les nouveaux codes du voyage de la jeune génération : connecté, collaboratif, mais aussi soucieux d’authenticité et d’impact écologique, quitte à jongler avec les paradoxes de l’hyperconnexion. Cette quête d’équilibre entre boulimie numérique et besoin de couper réinvente à la fois les destinations (parfois jusqu’au surtourisme) et la façon même de voyager. De Lyon à Barcelone, ces nouveaux nomades swappent entre feed Instagram, appli anti-gaspi et vélo urbain, transformant l’aventure européenne en une expérience personnalisée… mais jamais totalement déconnectée.
Des réseaux sociaux à l’IA : les nouveaux outils du voyage
Les chiffres confirment cette mutation : selon une étude relayée par Le Monde en 2025, plus de deux millions de posts liés au tourisme ont été identifiés en France sur Instagram l’an dernier, tandis que les contenus #voyage ont bondi de 410% sur TikTok entre 2021 et 2025. La Génération Z, élevée au fil du scroll, consulte en priorité ces réseaux pour choisir ses destinations. « TikTok est un peu mon Google, je tape des mots-clés et je repère des lieux, des restaurants, des activités… », confirme Eglantine, 25 ans. Les réseaux sociaux sont ainsi devenus le principal moteur d’inspiration et de décision, supplantant les guides papier, dont les ventes ont baissé de 6% entre 2023 et 2024, selon Michelin Voyage.
Avec l’explosion des voyages à petit budget, la recherche du meilleur plan s’intensifie. « Les jeunes veulent voyager plusieurs fois dans l’année tout en cherchant en permanence des bons plans », analyse Junior Bidounda, cofondateur de la plateforme “Broke and Abroad”. Les comptes experts dans l’optimisation du voyage réunissent des audiences considérables, et l’essor de l’IA accélère la tendance. Google teste son outil Flight Deals, propulsé par l’IA, capable de proposer des destinations inédites en fonction des envies, du budget ou des activités. Ces fonctionnalités séduisent pour dénicher la perle rare, même si elles laissent parfois perplexe face à des résultats inattendus ou imprécis.
Surtourisme, FOMO et quête de déconnexion
Cette hyper-connectivité et la viralisation de certains spots déclenchent un phénomène de surtourisme inédit : Bali, Santorin ou certains sites urbains français comme les calanques de Marseille voient leur fréquentation exploser chaque été. « Les réseaux sociaux produisent une homogénéisation des parcours; on assiste à une standardisation avec ses effets de mode, sa quête de validation sociale et les afflux massifs générés par les images idéalisées des lieux », analyse Bertrand Réau, sociologue du tourisme. Près d’un contenu sur deux partagé par les influenceurs “voyage” français était sponsorisé en 2024, selon une étude Greenpeace.
Sous l’effet de cette dynamique, la FOMO (fear of missing out – peur de rater une expérience) s’intensifie, tout comme la fatigue numérique. De plus en plus de jeunes testent la déconnexion : sessions “Offline Club” à Amsterdam ou Paris, où le téléphone est mis de côté pendant deux heures, intégration d’activités soigneusement choisies pour ralentir, méditer, créer. Ces pauses sont accueillies comme des respirations salvatrices dans une démarche de voyage plus conscient et authentique.
Équilibre entre liberté, écologie et omniprésence du digital
Face à une envie de découverte sans fin, à la nécessité de maîtriser son empreinte carbone (voyages à vélo ou en train, city trips proches), et à la volonté persistante de décrocher sans pour autant se couper complètement, les jeunes actifs européens redéfinissent à tâtons le voyage 3.0. Cette tension, entre liberté individuelle et standardisation digitale, façonnera-t-elle les nouveaux circuits touristiques européens ? Dans une Europe ultra-connectée, un simple like peut transformer en quelques jours un coin préservé en “spot” viral.
Les pratiques numériques ont bouleversé les codes du voyage en Europe, berceau du « grand tour » et laboratoire d’un tourisme plus connecté mais aussi plus critique. L’inspiration venue d’Instagram ou TikTok supplante peu à peu le guide papier, la quête d’authenticité se heurte à la facilité du « clic ». D’un côté, l’IA et les plateformes collaboratives proposent des escapades à la carte; de l’autre, la viralité des créateurs indépendants draine des communautés fidèles avides d’expériences « vécues ». La montée en puissance des réseaux accompagne un besoin de liberté renforcé après le Covid, une stratégie d’optimisation (maximiser chaque week-end ou RTT, micro-aventures) et une conscience écologique accrue chez les moins de 30 ans. Le voyage devient à la fois plus flexible, plus stratégique et plus paradoxal : envie de singularité, mais aussi de suivre les tendances virales (ex : la popularité soudaine de destinations comme la Géorgie ou l’Ouzbékistan grâce à TikTok).
Avènement du slow travel et résurgence des contradictions
Dans ce mouvement, la France et l’Europe occidentale expérimentent le slow travel et le tourisme durable : cyclotourisme familial (500 km sur la Loire à Vélo, budget maîtrisé à 1 000 euros pour 12 jours à cinq), city trips en train ou covoiturage, valorisation d’initiatives locales autour de la food, de l’artisanat et du vivre ensemble. Pourtant, ce retour à l’essentiel n’efface pas les contradictions : multiplication des parcours “balises réseaux”, risques de surtourisme sur les “nouveaux spots”, injonction au partage immédiat qui s’oppose à la volonté de profiter sans écran.
À l’échelle européenne, 72% des 18-35 ans organisaient en 2024 leurs vacances principalement via mobile, et 53% se disaient prêts à réduire leur empreinte carbone en privilégiant train ou vélo (Eurostat). Mais la fatigue numérique et l’envie de « digital detox » s’affirment également, avec le succès grandissant des clubs offline ou des apps de gestion du temps d’écran. Ainsi, cette génération nomade se révèle à la fois hyper-connectée et lucide, friande d’astuces mais méfiante face à la saturation, désireuse d’expériences à condition de ne pas s’y perdre.
Le voyage européen low cost évolue donc sur le fil : flux de données en continu, hacks et applis innovantes, soif de proximité et d’authenticité, mais aussi aspirations contradictoires. Alors que l’IA s’apprête à réinventer encore le secteur, la génération digitale cherche – en ligne comme hors ligne – à concilier mobilité, créativité, écologie et véritable déconnexion.
Repères concrets et nouveaux réflexes
Quelques repères et vécus concrets esquissent ce constat. Plus de deux millions de contenus touristiques publiés sur Instagram en 2024, +410% d’explosion de contenus voyage sur TikTok, près de 50% des posts “voyage” sponsorisés chez les influenceurs français majeurs, selon Greenpeace. Les ventes de guides classiques s’essoufflent, la recherche sur mobiles s’impose massivement chez les moins de 30 ans.
Portraits croisés : Gaïa, 23 ans, raconte ses trucs d’aventure et d’économie sur #gaiavoyages_ (11 000 followers en un an), tandis que Julien, 30 ans, passe d’Instagram à ChatGPT pour ses bons plans, au risque de voir l’IA se tromper d’itinéraire de ferry en Indonésie. Les IA dédiées au voyage, propulsées par Google ou des startups, promettent d’inspirer des escapades sur-mesure, parfois avec des résultats insolites voire incomplets.
Le cyclotourisme attire : 10% des jeunes actifs français ont tenté au moins un trip à vélo sur parcours balisé, selon la FNOT. Les trajets interrail ou bus longue distance (Flixbus, Blablabus) séduisent toujours plus pour raisons écologiques, avec +12% sur certaines lignes ferroviaires. Côté food, c’est le festin local : les adresses street-food dénichées sur Reels ou TikTok deviennent des incontournables, avec un budget quotidien oscillant entre 15 et 30 euros.
Les initiatives “offline” comme l’Offline Club gagnent du terrain à Amsterdam et Paris, où la pause numérique payante encourage lecture, jeu, créativité, et vraie reconnexion humaine. La plupart des voyageurs recommandent également les minuteurs d’applis pour éviter le binge scroll. Mais le revers reste la viralité : la “standardisation” frappe, Bali, Santorin ou les calanques étant pris d’assaut par le flot d’images partagées. En réaction, la chasse aux #HiddenGems et aux parcours “no filter” prend de l’ampleur.
Pour aller plus loin, de nouveaux réflexes s’installent : suivre les comptes de bons plans (@brokeandabroadfr, @gaiavoyages_, @fitclaire, @brunomaltor…), tester les applis anti-gaspi ou de mobilité douce (Too Good To Go, Rome2Rio, Komoot), s’offrir une session d’Offline Club ou participer à un atelier artisanal ou culinaire via Airbnb Experiences ou WWOOF. Les food-courts éco à Lisbonne, les coworkings berlinois, les routes cyclables européennes balisées forment aussi le nouveau terrain de jeux de ces voyageurs connectés et curieux.
La tendance du slow travel connecté ne fait sans doute que commencer. Les formats TikTok voyage, les applis green issues de la Gen Z, les newsletters spécialisées et les initiatives de déconnexion font éclore une nouvelle culture du voyage : collaborative, éthique et réinventée à chaque instant. Pourquoi ne pas tenter la prochaine escapade « digital detox » ou documenter soi-même ses expériences slow, valorisant créativité et durabilité plutôt que la course aux likes ?
L’avenir du voyage éthique et connecté s’écrit désormais à plusieurs. Un DM, un hashtag, un partage d’adresse suffisent à enclencher une nouvelle aventure. La génération digitale poursuit son exploration : active, inventive… mais pas à n’importe quel prix.