Entre viralité sur Instagram, menus boostés à l’intelligence artificielle et débats sur l’éthique des plateformes de livraison, nos expériences culinaires entrent dans une nouvelle ère digitale.
À Lyon comme à Paris, les foodies de la génération Z jonglent entre Instagram, TikTok et une ribambelle d’applis pour choisir leur prochaine adresse ou plat tendance. En 2025, impossible d’ignorer l’impact des réseaux sociaux et de la tech sur nos expériences culinaires : la viralité d’un brunch ou d’un coffee shop sur TikTok peut remplir une salle en quelques jours, tandis qu’Instagram dicte chaque semaine les nouveaux spots où il faut forcément aller. Dans ce paysage ultra-connecté, la livraison n’est pas en reste : Deliveroo ou Uber Eats se disputent le marché, innovant à coups d’IA pour retoucher les photos de menus ou générer des descriptions alléchantes, pendant que Too Good To Go surfe sur la gamification anti-gaspi jusqu’à récompenser les utilisateurs pour leurs avis et photos de plats.
Mais ces innovations posent de vraies questions sociales et éthiques : la Cour d’appel de Paris vient de condamner Deliveroo pour travail dissimulé, remettant sur le devant de la scène la précarité et la reconnaissance des livreurs, pendant que l’IA bouscule l’authenticité de l’expérience food – qui sait désormais si une photo d’assiette a vraiment été prise par un client ? Avec, en toile de fond, la montée en puissance des adresses écoresponsables, la lutte contre le gaspillage, et le besoin de transparence, ce nouvel écosystème high tech réinvente notre rapport à la table… tout en soulevant des enjeux de fiabilité, d’écologie et d’équité, au cœur des préoccupations des jeunes urbains connectés.
Impossible aujourd’hui d’ignorer le rôle des plateformes digitales dans notre rapport à la nourriture. Les réseaux sociaux font la pluie et le beau temps sur les tendances food : entre 2021 et 2025, les contenus touristiques et culinaires ont crû de 410 % sur TikTok, révélant un effet massif de l’influence visuelle sur nos choix de restos, street food ou brunchs branchés. Plus de 2 millions de posts food relevés en un an sur Instagram participent à ce raz-de-marée, qui ne se limite plus à l’inspiration. “TikTok, c’est un peu mon Google. Je tape des mots-clés et je regarde les résultats les plus pertinents, ça me permet de repérer des lieux”, témoigne Eglantine, 25 ans, grande utilisatrice des réseaux pour ses voyages et restos.
Cette viralité transforme aussi le paysage professionnel. Les restaurants, foodtrucks et créateurs culinaires adaptent leurs menus, leur déco et leurs pratiques exclusivement pour la photo : lumière naturelle, dressages spectaculaires, plats signatures pensés “Instagrammables”. Les influenceurs food, souvent suivis par plus de 200 000 followers, publient jusqu’à 46 % de contenus sponsorisés (étude Greenpeace), forgeant des imaginaires et des envies… mais aussi favorisant parfois la surenchère et la standardisation. Résultat : l’éco-responsabilité devient à la fois une tendance et un argument marketing – mention “locavore”, option végé ou plastique banni s’affichent en tête d’affiche.
C’est tout l’écosystème foodtech qui est bouleversé : côté livraison, Deliveroo a été récemment condamné pour “travail dissimulé” et devra verser plus de 100 000 € à plusieurs livreurs victimes de subordination déguisée. “Deliveroo leur impose une tenue, une zone géographique, une procédure à respecter”, a tranché la cour d’appel de Paris (juillet 2025). Sur les réseaux, la culture de l’instantanéité et la quête de “bons plans” poussent aussi vers des modèles alternatifs : Too Good To Go affiche plus de 11 millions d’utilisateurs en France, séduit par la lutte anti-gaspi gamifiée (alertes paniers, scores utilisateurs, partages de photos sur Insta). La digitalisation “responsable” s’organise, mais doit encore franchir le cap des actes durables.
Côté techno, Uber Eats file à toute vitesse sur l’IA : génération de descriptions, retouches automatisées des photos pour booster la qualité perçue, et désormais paiement en crédits pour les clients qui uploadent des photos de leur plat, rendant le “foodstagram” encore plus intégré à l’expérience client. Uber Eats précise : “Nos outils d’IA permettent d’améliorer l’expérience visuelle et de personnes”, mais la fiabilité et la sincérité des contenus, parfois édités ou “enjolivés”, posent question. L’utilisateur devient testeur, influenceur et, entre deux commandes, fournisseur de données, avec toutes les questions éthiques que ça induit, de la protection des données à la manipulation de l’image.
En toile de fond, la génération Z, née avec ces applis, a troqué les guides papier pour un scroll effréné, mais s’inquiète de la saturation de l’offre, des risques écologiques de l’effet de mode (vols low-cost, packaging jetable…) et de la difficulté à démêler le vrai du marketing. D’autant plus que les fake bons plans pullulent. “Il faut bien vérifier la crédibilité du compte”, rappelle Gaïa, jeune créatrice de contenus lyonnaise, face à la montée des arnaques en ligne.
Le plaisir de manger, de découvrir, d’expérimenter reste là… mais il se réinvente sous la pression des algorithmes, de la tech et des standards “instagrammés”. Pour chaque resto éco-responsable lancé grâce à une story, combien d’adresses “usines à influence”, de livreurs sous pression, de food tricks trompeurs ? La réponse se joue, désormais, entre réseaux, IA, justice sociale… et notre propre esprit critique, jamais aussi sollicité qu’en 2025.
Impossible d’ignorer à quel point nos habitudes food sont devenues digitales ces dernières années. D’un côté, il y avait la sortie hebdo au resto ou la recette de famille transmise dans une vieille fiche cartonnée ; de l’autre, une révolution accélérée par plusieurs vagues : l’explosion des applis de livraison, la puissance virale d’Instagram ou TikTok, la montée des préoccupations eco-friendly et, plus récemment, l’arrivée des IA dans nos assiettes — ou du moins dans nos menus.
En France, Deliveroo débarque en 2015, Uber Eats quelques mois plus tard : la livraison de plats, d’abord perçue comme un service d’appoint (soirées foot, lendemain de soirée), devient vite une commodité du quotidien, surtout en milieu urbain et chez les jeunes actifs. En 2024, plus de 40 % des 18-34 ans commandent au moins deux fois par mois, selon l’étude Food Service Vision. Une croissance boostée par la pandémie, puis consolidée par le rythme effréné des vies “connectées”.
En parallèle, le foodporn s’installe sur Instagram (plus de 400 millions de photos taguées #food en 2025), rebattant complètement les codes de la découverte culinaire. Là où “sortir au resto” rimait autrefois avec bouche-à-oreille ou guide papier comme le Michelin, 54 % des 18-30 ans déclarent maintenant choisir un restaurant via les réseaux sociaux (source : The Fork/OpinionWay, 2024). TikTok, lui, bouscule la donne : en 2025, les vidéos food représentent +35 % du contenu lifestyle affiché sur la plateforme, avec des tendances de recettes et d’adresses qui naissent puis disparaissent à vitesse éclair.
Ce phénomène n’est pas que français : la livraison de meals-on-demand explose à New York, Londres ou Berlin (avec une croissance annuelle mondiale prévue de 12 % entre 2024 et 2028), mais la France se distingue sur deux points : l’attachement au “bien manger” et la percée des solutions anti-gaspi (Too Good To Go, Phenix…). En 2025, la France était le n°1 mondial d’utilisation de Too Good To Go, avec plus de 15 millions d’utilisateurs.
La popularisation massive des comptes food sur Instagram ou TikTok provoque une “standardisation” : même cadrage alléchant, mêmes “meilleurs brunchs de Lyon”, mêmes stories dispatchées aux quatre coins du pays. Conséquence : les adresses autrefois “secrètes” deviennent victimes de surtourisme local, les contenus sponsorisés se multiplient (près d’1 post voyage/food sur 2 est sponsorisé chez les influenceurs majeurs), et le consommateur lambda doit apprendre à distinguer vraie authenticité et stratégie de marque.
Ce boom s’accompagne aussi de tensions sous-jacentes : débats sur le statut précaire des livreurs, poursuites judiciaires contre Deliveroo pour travail dissimulé, questionnements éthiques autour des algorithmes de recommandation et, maintenant, prise de pouvoir de l’IA dans la valorisation des menus ou la mise en avant d’images. Uber Eats, par exemple, commence à rémunérer certains utilisateurs pour partager des photos de plats, tout en boostant via IA les images des restaurants aux contenus jugés “faibles” : un outil prometteur pour l’expérience utilisateur, mais qui suscite aussi des doutes sur la véracité de ce que l’on commande.
Face à la déferlante numérique, les guides papier reculent — les ventes ont chuté de 6 % en France entre 2023 et 2024, quand les “e-foodies” puisent, en quelques minutes de scrolling, tops restos, recettes et tendances “responsables” sur TikTok/Instagram. À l’international, même mutation : plus de 60 % des voyages milléniaux britanniques commencent avec un post social ; les tendances food du moment sont aussi mondialisées par les plateformes.
Au final, la food, c’est plus que jamais devenu un terrain d’expérimentations digitales et de batailles culturelles, entre innovation technologique, aspiration à l’authenticité et exigences éthiques — et chaque scroll, chaque commande ou chaque “like” joue (un peu) sur le paysage global dans nos villes comme à l’échelle de la planète.
En 2024, plus de 2 millions de posts liés au tourisme et à la food ont été recensés sur Instagram rien qu’en France, et la tendance est similaire sur TikTok, où la création de contenus food a bondi de plus de 400% en trois ans. De plus en plus de comptes proposent des « bons plans » ou des tests de restaurants, certains cumulant des centaines de milliers de followers comme @brokeandabroadfr ou @gaiavoyages_.
Une étude menée sur la génération Z révèle que pour 6 jeunes sur 10, Instagram et TikTok sont devenus leur source principale pour choisir un restaurant ou un plat à tester, devant Google ou les guides traditionnels. Les Guides Michelin enregistrent -6% de ventes entre 2023 et 2024.
L’application Too Good To Go revendique plus de 5 millions d’utilisateurs actifs en France, avec 3 paniers surprises vendus chaque seconde aux heures de pointe selon les statistiques internes. Les spots les plus recherchés ? Les boulangeries de quartier, les coffee shops type specialty, et les petits supermarchés écolos.
Uber Eats teste un système où les clients sont rémunérés en crédits pour l’ajout et la publication de photos de plats, sous réserve de sélection. En parallèle, l’IA reconstitue ou améliore visuellement les plats proposés (fond, assiette, lumière), voire s’occupe de la rédaction des descriptions. Cela peut générer confusion ou décalage avec la réalité reçue, l’IA pouvant occulter certains défauts ou manipuler la perception “qualité”.
Si Deliveroo se dit désormais “plus responsable”, les derniers jugements rappellent la précarité du statut : des livreurs viennent d’obtenir jusqu’à 100 000 € d’indemnisation pour “travail dissimulé” (Cour d’appel de Paris, juillet 2025), preuve que la question de l’indépendance – ou de la subordination – reste brûlante.
Certains acteurs alertent sur la fiabilité limitée de certaines infos ou pubs sur les réseaux : prevalence des contenus sponsorisés (près d’1 influenceur voyage sur 2 en France) ; diffusion possible de faux bons plans ou d’arnaques, y compris sur les comptes food populaires (vérifiez ancienneté, interactions, mentions légales !).
Si la nouvelle génération privilégie souvent la proximité, la visibilité des plats “Instagrammables” ou “viraux” booste parfois des pratiques moins vertueuses : surreprésentation d’avions, promotion de produits ultra-transformés. En réaction émergent des initiatives plus eco-friendly : restos valorisant la consigne, brunch vegan, circuits courts, ou voyages en train valorisés par certains influenceurs.
Si la révolution food 2.0 bat son plein, le secteur continue d’évoluer à vitesse grand V, porté par la créativité des restaurateurs, l’appétit des plateformes et les innovations technologiques. Les enquêtes autour des conditions de travail chez les livreurs ou les questions de stockage des données sur les applis restent en cours, et pourraient faire bouger ou clarifier les lignes.
Pour rester informé·e, il est conseillé de consulter régulièrement les mises à jour officielles des plateformes (Uber Eats, Deliveroo, Too Good To Go, etc.) dans leurs conditions d’utilisation ou pages de FAQ, notamment autour des sujets emploi et sécurité des données. Un œil attentif sur les comptes Instagram et TikTok spécialisés dans la cuisine responsable permet également de repérer les alertes, nouveaux bons plans et retours sur les pratiques éthiques ou non de certaines adresses.
L’essentiel : profiter du meilleur du foodtech et des réseaux… tout en gardant en tête que manger bien (et juste), c’est aussi cuisiner son sens critique.