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Humour sous tension : comment le rire module le regard sur l’actualité dans un monde anxieux

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À l’heure où l’anxiété mondiale se fait tendance et où le sérieux règne sur les timelines, l’humour — qu’il surgisse d’une tribune politique ou d’un TikTok de stand-up — s’impose comme arme, échappatoire et miroir de nos contradictions. Entre crises, censures et réseaux sociaux nerveux, comment le rire module-t-il notre regard sur l’actualité, et qui ose encore manier la punchline sans finir en trending topic… ou au tribunal ?

Dans un monde où l’actualité se consomme comme des anxiolytiques d’officine – surdose garantie, sans ordonnance requise –, l’humour s’invite, tantôt en antidote viral, tantôt en suspect numéro un. De Paris à Kiev, du Palais Bourbon aux scènes de stand-up, la manière dont le rire module notre regard sur le tragique n’a jamais été aussi disputée. Entre la crainte du « bad buzz » sur Twitter et la tentation du bon mot pour exorciser l’absurde, politiques, humoristes et citoyens oscillent sur le fil périlleux du second degré.

Pourquoi revenir à l’humour, alors que la gravité sature l’espace public ? Parce que, comme le souligne Aurélie Julia (Revue des Deux Mondes), il subsiste « une arme » – parfois de construction massive, parfois d’autodérision de poche – pour rendre la pilule de l’actualité moins amère. La punchline fait recette dans l’hémicycle (un Claude Malhuret compare la Maison Blanche à la cour de Néron, Elon Musk en « bouffon sous kétamine »), tandis que les Zelensky de ce monde trimballent leur ironie jusque devant l’ONU pour désamorcer la peur et la haine.

Mais si l’humour est un bouclier, il est aussi une cible : plateformes promptes à censurer la vanne, lois incertaines flirtant avec la criminalisation du sarcasme, trolls énervés prêts à dégainer l’indignation en mode ragequitt. Comment le rire peut-il subsister, et surtout agir, dans ce climat ? Où, quand, comment le rire bascule-t-il de la soupape collective à l’acte politique, ou au simple pied de nez face à l’angoisse?
C’est cette tension – entre « LOL » et « gros malaise » – que cet article ausculte, à travers les regards, les mots et les punchlines qui façonnent (et parfois sauvent) notre perception d’un monde anxiogène.

Bienvenue sur la planète Info, où la gravité n’est pas qu’une question de masse : c’est aussi l’ambiance pesante d’un journal de 20h où chaque bribe d’actualité frôle l’apoplexie. On a l’impression que la Terre s’est coincée le nerf du sourire. Pourtant, derrière cet air de crise chronique, l’humour continue d’infiltrer le débat public — parfois en courant d’air, parfois en armure.

Selon une étude Ifop de 2023, 68% des Français jugent que « l’humour n’a jamais été aussi risqué à exprimer publiquement » (rapporté à 98% chez les humoristes fauchés, source : ressentilab). Twitter, TikTok, forums, Insta : partout flotte le spectre du screenshot assassin, du signalement éclair et de la traque au deuxième degré. Résultat, même les dirigeants politiques ressemblent de plus en plus à des DRH qui lancent des blagues… en réunion Teams, caméra coupée.

« Nos hommes politiques ont beaucoup moins d’humour aujourd’hui. À cause du politiquement correct, de l’esprit de sérieux, et surtout des réseaux sociaux, ennemis de l’humour. »

Aurélie Julia, Revue des Deux Mondes

Là où De Gaulle – qui affirmait « Le plus élevé, c’est le moins encombré » – balançait du bon mot pour souder la Nation, aujourd’hui on craint de fédérer… un thread de débat houleux. La politique est restée théâtre, mais avec plus d’ouvreurs que de spectateurs ravis.

Claude Malhuret l’a bien compris : sa sortie « cour de Néron »/« bouffon sous kétamine » a électrisé la toile et la presse internationale. Rappel cynique : ce qui ose sortir de la bouche d’un sénateur français fait pâlir d’envie CNN ou la BBC, où l’autocensure est reine.

« Si vous voulez faire passer des idées, vous avez deux nécessités : la punchline et l’humour. Sinon, même pas la peine de vouloir convaincre. »

Sur Google Trends, la recherche « humour politique » bondit systématiquement après chaque crise majeure ou allocution présidentielle. Les vidéos humoristiques traitant d’actu (format court) représentent +40% de l’engagement sur TikTok France en 2023, selon DataMediaLab. Sur les scènes, la demande de « stand-up actu » grimpe. Avignon Off 2023 : 1 spectacle d’humour sur 4 traitait (au moins en partie) de thèmes politiques ou sociétaux.

Côté Est, Volodymyr Zelensky maîtrise l’ironie comme un art martial. « Je porterai un costume quand cette guerre sera terminée. » Ici, l’humour n’est pas seulement une carapace, c’est une arme de communication massive — contre la peur, contre la dramatisation, contre les autocrates qui tirent plus vite que leur ombre (ou que leur fact-checker).

À l’inverse, le cas algérien rappelle que faire de l’humour sur « ceux qui tiennent le stylo du Code pénal », c’est jouer à chat perché… mais sans perchoir :

« L’article 87 bis peut être utilisé pour réprimer des actes relevant de la liberté d’expression »

Alexis Thiry, ONG Mena Rights Group

À l’international, 250 détenus d’opinion comptabilisés en Algérie, dont une part pour des propos ou contenus critiques sous couvert « d’apologie du terrorisme ». Même Pierre Desproges aurait sorti le gilet pare-balles pour regarder le JT.

Montée d’une « auto-censure joyeuse » chez les humoristes : beaucoup testent leurs blagues offline ou en cercle fermé (ex : micro-clubs Discord ou soirées « test » sans captation), par peur de voir leur vanne finir sur le banc… des accusés. Émergence d’un humour « soft hacking » : codes, références détournés, punchlines à double fond — on se marre, mais par procuration.
Côté public ? Le rire devient ponctuation salvatrice :

  • 78% des 18–35 ans déclarent consommer du contenu humoristique sur l’actu « pour évacuer l’anxiété » (source : sondage BVA pour Madmoizelle, 2023).
  • La génération TikTok décrète : si la punchline est risquée, le scroll est rapide.

Les chiffres ont la gueule de bois, les lois l’air pincé, mais le LOL reste tenace : entre arme défensive, soupape vitale, et dernier carré de résistance citoyenne. Si l’actualité étouffe le second degré, c’est peut-être pour vérifier qu’il respire encore.

À première vue, l’idée que « l’humour module le regard sur l’actualité » a une barbe de trois siècles et sent la poudre à perruque. La satire politique, ce n’est pas nouveau : des pamphlets anti-rois sous l’Ancien Régime jusqu’aux punchlines du général de Gaulle, l’arme du rire avait droit de cité sur la place publique — ou à la Bastille, option décrochement de mâchoire inclus.

Dès que le pouvoir vacille, le bouffon pointe son nez. Shakespeare l’a pigé avant tout le monde : Polonius fait marrer le fond de la salle… pendant qu’Hamlet manigance des coups tordus. De la monarchie à la République, la place du rire évolue : Diderot, Voltaire, puis Hugo ou Desproges, chacun y va de son « mot d’esprit » pour tourner l’ordre établi en ridicule. L’entre-deux-guerres ? Les cabarets ouvriers débordent de sarcasme. L’après-68 ? L’humour potache se mue en satire télévisée, avec Guy Bedos, Coluche et les premiers Guignols de l’info. On rit, on grince, et parfois… on termine au tribunal.

Globalement, humour rime autant avec censure qu’avec résistance : des caricaturistes de Charlie Hebdo aux comiques russes assignés à résidence, faire de l’ironie sur le pouvoir n’est pas la même chose à Paris, Moscou ou Alger. La mondialisation et les réseaux sociaux ? Double lame de fond :

  • D’un côté, explosion de memes et de micro-blagues qui circulent plus vite que l’info elle-même,
  • De l’autre, montée du politiquement correct, des signalements intempestifs et du fameux « outrage » à géométrie variable.

La diversité du rire se constate d’un pays à l’autre :

  • Au Royaume-Uni, l’irrévérence élevée au rang d’art national, des Monty Python à John Oliver, survit même sous surveillance CCTV.
  • Aux États-Unis, humoristes entre deux bannissements TikTok, entre licence comique et bouc émissaire du wokisme/conservatisme ambiant.
  • En Ukraine ou Russie, on rit pour survivre – sauf que le mauvais jeu de mots sur le président Poutine peut valoir la cellule.
  • En France, pays du second degré lourd, mais aussi du hashtag #CancelComedian sitôt qu’une blague dépasse la « ligne », sans cesse redéfinie.

Si l’on se fie à diverses enquêtes sociologiques, 82 % des jeunes Européens considèrent l’humour comme « fondamental pour supporter l’actualité »… mais plus de 40 % pensent que « tout » ne peut plus vraiment se rire publiquement (Baromètre Viavoice 2023). Le rire se consomme sous auto-censure, façon apéro bas-alcool : on trinque, mais on surveille le taux de second degré.

Le rire n’a jamais été aussi viral – ni aussi surveillé. Au pays du LOL globish, l’humour reste la météo embarquée de notre climat d’angoisse… et notre meilleur parapluie politique, même troué.

Quelques repères :

  • L’âge d’or du bon mot politique ? Dans les années 1970, la proportion d’hommes/femmes politiques cités pour leurs formules humoristiques ou caustiques dans la presse était près de trois fois plus élevée qu’après 2010. À cette époque, Mitterrand soignait ses « petites phrases » tandis que Chirac s’autorisait des blagues paillardes. Aujourd’hui ? Les « off » sont souvent plus longs que les discours, et les communicants coupent dans les saillies.
  • De Gaulle possédait un répertoire personnel de blagues et traits d’esprit, finement distillées aux journalistes (« Le plus élevé, c’est le moins encombré »). Churchill, élu « maître du sarcasme » au Parlement britannique selon le Guardian en 2015, a vu des dizaines de ses répliques immortalisées.
  • Une étude de Sciences Po (2019) indique que les tweets humoristiques d’élus français sont 2,5 fois plus partagés que les tweets purement factuels, mais aussi signalés 6 fois plus souvent pour « manque de respect ». Jouer avec le second degré sur Twitter, c’est comme jouer à la marelle sur un champ de mines.
  • Zelensky, avant la présidence, alignait les spectacles d’impro : « Je porterai un costume quand la guerre sera finie… Peut-être un comme le vôtre, ou moins cher. »
    70 % des Ukrainiens en 2022 considéraient « l’humour de Zelensky comme une arme psychologique utile pendant la guerre ».
  • Sur les réseaux, les humoristes français signalent en moyenne 2 à 3 cas de démonétisation ou de « shadow ban » par trimestre dès qu’il s’agit de sujets politiques (chiffres 2023, YouTube/Discord France).
  • En Algérie, selon Amnesty International, une soixantaine de journalistes et d’activistes poursuivis entre 2022 et 2024 ont vu un post, une vanne ou un trait d’humour servir de base à leur inculpation. En France, la législation sur l’humour « outrageant » à l’encontre des institutions fait toujours débat (mais au moins, faire une blague sur la SNCF n’est pas passible de la perpétuité… pour l’instant).
  • D’après une méta-analyse suisse (Université de Lausanne, 2021), l’humour pratiqué en groupe (stand-up, mèmes partagés, etc.) fait baisser temporairement les indicateurs d’anxiété chez 60 % des sujets.

Pour aller un peu plus loin, on peut explorer le florilège de bons mots politiques dans la Revue des Deux Mondes, ou revoir la série Serviteur du peuple avec Zelensky. Côté actualité, on suivra les réactions des humoristes face aux nouvelles lois sur la liberté d’expression, les prochaines punchlines (ou dérapages) qui feront trembler la sphère politico-médiatique, et l’évolution du rapport au LOL à l’ère post-viral.

À dans une actu anxieuse, mais pas dénuée de second degré.
— Sam Verne,
« Rire & Désordre »

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