L’écosystème numérique européen évolue rapidement : la directive RED 2025 instaurera bientôt de nouveaux standards de cybersécurité pour l’IoT, tandis que l’intelligence artificielle s’intègre massivement dans les objets du quotidien (domotique, santé, justice, industrie…). Face à la sophistication croissante des menaces, entreprises et citoyens doivent désormais assurer la fiabilité, protéger les données sensibles et préserver la souveraineté numérique. Cette nouvelle étape, marquée par la convergence de la régulation, de l’innovation et des limites propres à l’IA, fait de la sécurité, de l’automatisation et de la responsabilité des exigences indissociables.
Des millions d’utilisateurs européens – des familles connectées aux grandes entreprises, en passant par les administrations – côtoient désormais des objets intelligents pilotés ou assistés par l’IA. Les fabricants d’objets connectés, les fournisseurs de cloud, les équipes DevOps et data scientists, tous s’activent à répondre aux nouvelles exigences. L’Union européenne, en particulier, accélère la cadence avec l’entrée en vigueur prochaine de la directive RED, prévue pour le 1er août 2025, qui imposera des critères stricts de sécurité numérique pour tout produit radio commercialisé sur le marché européen.
La mutation de l’écosystème numérique passe par l’intégration de l’IA : pilotage, détection d’anomalies, cryptage des flux de données, traçabilité via blockchain, gestion de volumes d’informations colossaux dans la justice ou la santé… Autant d’usages où l’IA promet d’automatiser la cybersécurité, l’application des correctifs (patch management), la conformité « by design » et la limitation de l’exposition aux risques (edge computing). Mais face à la prolifération des objets connectés, chaque appareil devient une cible potentielle : espionnage, attaques DDoS à grande échelle, fuites de données médicales ou privées. Malgré les progrès, des études récentes – comme celle de John Hopkins – montrent que l’IA éprouve encore des difficultés à analyser des contextes humains ambigus ou évolutifs, remettant en cause la fiabilité de l’automatisation dans les systèmes critiques.
L’échéance du 1er août 2025 concentre les enjeux. Tout appareil non conforme aux nouvelles normes pourra être retiré du marché européen, y compris via l’e-commerce international. Un marché évalué à plus de 120 milliards d’euros en Europe, où la France figure parmi les cinq principaux utilisateurs, va devoir opérer un profond virage. Le National Testing Institute for Cybersecurity (NTC) pointe que la majorité des objets connectés testés – babyphones, montres pour enfants, alarmes, prises WiFi – présentent au moins une faille critique : mots de passe par défaut non changés, absence ou obsolescence du chiffrement, mises à jour logicielles problématiques.
La Commission européenne rappelle :
« Les technologies radioélectriques intelligentes sont partout. Leur sécurité est cruciale pour la confiance numérique du citoyen et la résilience de notre économie. »
Face à la pression réglementaire, la responsabilité pèse sur tous les acteurs : fabricants, distributeurs, DSI, DevOps. Ces derniers devront démontrer la conformité, automatiser la cybersécurité, gérer le monitoring et la mise à jour des objets, assurer le respect des obligations RGPD. En cas de défaut, la sanction sera la suppression pure et simple du produit du marché. Ce resserrement législatif fait émerger un marché critique de solutions adaptatives : outils d’IA de détection et d’automatisation, plateformes open source (Home Assistant, Jeedom…), mécanismes de mise à jour sécurisés compatibles avec les exigences européennes.
Cette recomposition accélère aussi la question de la souveraineté numérique. Si l’Europe ne parvient pas à garantir la fiabilité de ses infrastructures, elle court le risque d’une dépendance accrue vis-à-vis de plateformes extra-européennes, dont certaines sont peu regardantes sur le respect des standards de sécurité ou de protection de la vie privée. D’où l’urgence d’investir dans des « clouds de confiance », dans la maîtrise du firmware et dans l’interopérabilité des solutions, que l’on soit DSI de grand groupe ou famille équipée de multiples objets connectés.
L’expansion de l’IoT, amorcée dans les années 2010, s’est largement appuyée sur le trio « fonctionnalité – simplicité – prix », au détriment le plus souvent de la cybersécurité. En 2024, plus de 60 % des objets connectés dans le monde seraient exposés à des vulnérabilités critiques. Cette situation s’explique aussi par la dépendance européenne à des fabricants étrangers et des logiciels embarqués difficiles à contrôler. Les cyberattaques massives exploitées via des zombifications d’objets (voir le botnet Mirai en 2016) illustrent l’ampleur du défi.
La révolution de l’IA dans ce secteur est ambivalente : elle apporte une capacité inédite à surveiller, à classer et à anticiper les risques, mais elle expose également à de nouvelles menaces (biais et défaillances algorithmiques, attaques sur les modèles d’IA eux-mêmes). À l’heure où chaque foyer européen possède en moyenne plus de dix équipements connectés, la sécurité par l’IA ne peut suffire qu’en s’accompagnant de pratiques rigoureuses et de contrôles réglementaires. Les guides d’hygiène numérique restent peu lus, et près de 60 % des utilisateurs, selon l’ANSSI, ne changent jamais le mot de passe par défaut de leurs appareils.
Les exigences de la directive RED, applicables à partir du 1er août 2025, sont claires : authentification renforcée, chiffrement systématique des communications, mécanismes de mise à jour sécurisés, démonstration de la résilience face aux attaques de réseau. Les infrastructures DevOps intègrent déjà l’automatisation du déploiement de correctifs de sécurité, mais la synchronisation entre updates cloud et objets « à la périphérie » (edge/offline) demeure complexe. Dans les secteurs les plus critiques (santé, défense, transport), la sécurité s’adosse désormais à des paradigmes de « zero trust », de blockchain pour la traçabilité, et de cryptographie prospective adaptée aux menaces futures.
L’automatisation par l’IA se heurte toutefois à certaines limites sur le terrain. Les algorithmes de machine learning, s’ils détectent bien des anomalies de flux, peinent à interpréter des situations humaines complexes ou ambiguës. Dans le secteur public, les projets judiciaires comme Judilibre exploitent l’open data décisionnelle pour entraîner des IA, mais les usages restent à ce stade cantonnés à l’aide documentaire, la décision restant hors du champ automatisé.
Ces évolutions réglementaires et technologiques font émerger un marché nouveau, où la sécurité devient centrale, du code source à la chaîne de distribution, jusqu’à l’utilisateur final. La transformation est déjà palpable : la cybersécurité n’est plus une « option » mais la condition sine qua non de l’accès au marché européen. L’implication active des utilisateurs sera tout aussi décisive : chaque maillon faible a désormais un effet systémique.
À retenir
Alors que le nombre d’objets connectés approchera les 30 milliards d’ici 2030, la surface d’attaque grandit au même rythme. Innovations technologiques, automatisation, IA, blockchain offrent de nouveaux moyens de défense, à condition d’être intégrées dans une chaîne de sécurité cohérente et maîtrisée, de la conception à l’usage. La souveraineté numérique européenne se jouera dans cette capacité à orchestrer sécurité, innovation, conformité – et responsabilisation de chaque acteur, jusqu’au citoyen.